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Où sont passés les grands stratèges ?
Page 5: La forme du moment au centre de tout
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La forme du moment au centre de tout
En fait, plus CS:GO avance, plus ce constat semble juste. De 2012 à début 2015, les équipes qui dominaient la scène étaient peu nombreuses, et leur période de succès s'étendait sur de nombreux mois : d'abord NiP, qui a ensuite été rejoint par VeryGames / Titan. Et puis on a retrouvé un duel NiP - Virtus.Pro, qui a été remplacé par fnatic - LDLC / EnVyUs, puis par fnatic seul. Les suprématies étaient fortes et les surprises peu nombreuses.
Mais pour 2015, on peut parler de domination de six équipes : fnatic, EnVyUs, Virtus.Pro, TSM, Na'Vi et NiP. Ces six-là ont gagné et occupé les places en finale la grande majorité du temps, selon leur forme du moment. Quelques troubles-fêtes comme Cloud9 ou Gamers2.Kinguin (aujourd'hui chez FaZe) sont même venus prendre leur part du gâteau. Tout ça pour dire qu'il n'y a plus vraiment une équipe qui domine : sur une lan, n'importe laquelle de ces formations peut gagner, comme perdre dès les poules. On l'a vu avec Luminosity qui sort une lan exceptionnelle aux finales FACEIT S3 : dans un bon week-end, une équipe peut surprendre n'importe qui, même si cette dernière a enregistré l'arrivée de deux nouveaux joueurs à peine une semaine avant ! Un résultat difficilement imaginable il y a encore un moment, où l'on trouvait du "il leur faut du temps pour s'adapter" à toutes les sauces.
Personne ne les attendait, et pourtant...
Ce constat reste toutefois à nuancer puisque LG mais aussi Na’Vi ont confirmé leur niveau de jeu début 2016, prouvant que leur fin d’année précédente n’était pas un « one-shot ». Mais tout de même : Counter-Strike n'a jamais été aussi imprévisible. Si un major avait lieu maintenant, on pourrait facilement donner sept ou huit favoris tout à fait légitimes à une place en finale, soit près de la moitié des participants ! Qu'est-ce qui ferait ensuite la différence ? Leur forme le jour J, à l'heure H. Si les finales FACEIT avaient eu lieu une semaine plus tard, peut-être que Luminosity n'aurait jamais accompli un tel parcours.
Etre en méforme devient donc presque impossible car les adversaires ne laissent plus passer aucune défaillance. VeryGames, en 2012-2013, perdait de temps en temps certains matchs en poules ou certaines maps dans l'arbre. Mais les hommes d'Ex6TenZ se reprenaient toujours à temps pour aller ensuite au moins jusqu'en demi-finale. Aujourd'hui, perdre un match en poule, perdre une carte en 1/4 de finale peut créer une dynamique telle qu'elle vous conduira vers l'élimination bien plus vite que prévu. Le droit à l'erreur n'est plus permis. Il n'y a qu'à voir l'élimination de trois favoris sur quatre en quarts de finale de la DH Cluj pour se rendre compte qu'il faut être bon, tout le temps, ou bien une équipe juste meilleure que vous sur cet événement précis vous piquera votre place.
Ce genre de planning n'étonne plus personne |
Ce phénomène s'explique aussi par le fait que le nombre de lans a littéralement explosé cette année : de 21 lans internationales en 2014, le nombre est grimpé à 40 en 2015. Plus de compétitions, donc plus de chances d'échouer. Et si l'on rajoute le nombre incroyablement élevé, jusqu'à plusieurs par soirs, de matchs en ligne, l'on obtient une équation bien difficile à résoudre : créer de nouvelles stratégies pour surprendre l'opposant, sur des maps dont on a exploré tout ou presque, contre des adversaires qu'on connaît par cœur à peu de choses près, le tout avec moins de temps disponible.
Dans de telles conditions, pas étonnant de privilégier le skill et de tout faire pour être prêt à enchaîner les têtes le jour J avec des stratégies connues de tous, plutôt que de prendre le risque de trouver de nouvelles choses à faire qui pourraient finalement se révéler infructueuses le jour du match car la flash censée aveugler le CT ne gêne finalement pas ce dernier… La forme des joueurs et le skill n'est pas non plus une valeur constante, mais elle semble tout de même l'être plus que le stuff et la stratégie seule. Des deux piliers qui semblent constituer la stratégie sur CS, l'un paraît tout de même avoir pris le pas sur l'autre et surtout, l'aléatoire semble doucement prendre une place de plus en plus importante chez les deux.
De par la direction qu'il est en train de prendre, CS:GO semble donc de plus en plus s'en remettre à un jeu basé sur le skill pur et dur, en prenant de moins en moins en compte le côté stratégique, et notamment le côté "renouvellement" de la stratégie.
Même si dernièrement, des équipes telles que Dignitas, Luminosity voire même Na’Vi ont semblé aller à l’encontre de ce constat en obtenant de bons résultats grâce à une vraie réflexion stratégique, prouvant qu'il était possible de mettre en place un momentum stratégique, et non plus seulement basé sur le skill. L’article de Thorin sur ce sujet s’interroge assez bien sur cette question et un autre acteur de la scène, Tomi "lurppis" Kovanen, ancien joueur et aujourd'hui analyste, rejoint ce point de vue :
D’un point de vue général, je ne partage pas la vision qui voudrait montrer que le jeu est basé sur le momentum (la forme du moment). En effet, pour moi, il n’y a pas d’éléments qui viendraient à le confirmer. La célèbre série de victoires de NiP a été rendu possible car ces joueurs ont su s’adapter très vite au jeu avec f0rest et GTR dominant la compétition sur le plan individuel, portant ainsi l’équipe. De plus, c’était l’équipe la mieux encadrée, ce qui leur donnait certainement un avantage non négligeable. Le fait que certaines équipes parviennent à réaliser de belles performances sans beaucoup s’entraîner n’est pas lié au momentum, mais seulement au fait que le jeu en lui-même est devenu moins dépendant à la préparation stratégique qu’au skill pur. Mais selon moi cette tendance est clairement sur le point de s’inverser, avec par exemple Na’Vi et Luminosity qui jouent un CS très stratégique, et même Astralis semble se tourner vers cette direction. Je serais choqué si NiP ne faisait pas non plus un changement radical dans ce sens une fois que THREAT aura pris les rênes de l’équipe. Je pense que dire que n’importe qui peut gagner en étant dans un bon jour est un peu trop facile. Évidemment si vous faites comme NiP (EMS One Katowice 2014) ou les ex-TSM (IEM San Jose 2015) en ratant votre veto, vous donnez une chance à votre adversaire de gagner. Si vous n’orientez pas votre jeu sur la stratégie (EnVyUs à la DH Cluj-Napoca) et que vous tombez contre une autre équipe "skillée" (comme lors de la demi-finale contre G2), vous allez vraiment être vulnérable. Si vous travaillez beaucoup en équipe et que vous tentez de contrer les stratégies des adversaires (Cloud9 à l'été 2015), vous pouvez surprendre plusieurs fois, du moment que les autres équipes ne s’en rendent pas compte et que vous gardez un coup d’avance. Ces dernières années, le niveau individuel a été plus important que la stratégie pour réussir, on ne peut pas le nier. Mais le niveau individuel n’a pas grand chose à voir avec le momentum, mais plus avec ce que peuvent faire les joueurs. En effet, le momentum peut venir de la stratégie, ou du jeu pur en étant à un très haut niveau individuel. A moins que vous ne pensiez que Cloud9 n’avait pas de momentum pendant l’été, ou que le succès de Luminosity ou Na’Vi ne vienne pas de leur approche tactique ? |
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