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J'aurais voulu être manager
Page 3: Interview
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Interview de Next & Niak
Salut les gars, pouvez-vous nous expliquer en détail les rôles que vous occupez dans vos équipes/organisations respectives ? Next : Salut ! Les rôles que j’occupe sont multiples. Il y a déjà la partie logistique pour les déplacements aux compétitions. Le planning pour tout ce qui est matchs officiels / déplacements aux compétitions, prendre des décisions avec les joueurs de quelle compétition nous acceptons ou nous n’acceptons pas les invitations. Il y a aussi une partie de relation avec les sponsors et la structure. La partie gestion humaine n’est pas quelque chose que tu peux décrire comme un rôle mais selon moi ça en fait partie. Et pour finir, je gère toute la partie administrative de chacune des sociétés des joueurs (ainsi que la gaming house), ce qui prend beaucoup de temps. Niak : Bonjour :) Alors pour faire simple, le rôle d’un manager consiste à gérer la vie du groupe et tout ce qui gravite autour du jeu. Avec le développement de l’eSport, sa professionnalisation, l’augmentation du nombre de compétitions, la gestion de budgets plus importants etc. la charge de travail a augmenté et les tâches se sont quelque peu complexifiées ces deux dernières années. Le quotidien d’un manager oscille entre gestion de la vie du groupe, relations avec la structure, les organisateurs, les partenaires, la logistique, la comptabilité, la création de contenu en tout genre, la coordination etc. C’est devenu un job à plein temps. Jusqu’en juillet dernier, je suivais également l’équipe à l'entraînement afin de pouvoir donner un point de vu extérieur et aiguiller certains choix dans le jeu. La double casquette est devenue compliquée à assumer et je pense que le CS de demain verra la collaboration d’un manager dédié à la gestion du projet et d’un coach qui apportera une expertise poussée autour du jeu. Comment êtes vous arrivés à ce poste de manager ? Pourquoi ce rôle et pas un autre (joueur, rédacteur, commentateur, dirigeant de structure, coach, etc.) ? Next : Manager est pour moi vraiment le poste qui me correspond. La gestion humaine m’a toujours plu, gérer les relations entre les joueurs, gérer des plannings, essayer de trouver des solutions à des problématiques techniques ou humaines. Je suis arrivé à ce poste juste simplement quand à un moment à mes débuts je me suis rendu compte que je n’aurais jamais le niveau en tant que joueur mais que j’apportais quelque chose en tant que manager ou du moins d’un point de vue gestion. Ensuite on va procéder par élimination, la partie journalistique/rédacteur ne me plait pas, commentateur selon moi il faut un minimum de talent que je n’ai pas. Coach… il faut avoir été un joueur, et si possible de haut niveau pour occuper ce poste à mon avis. Dirigeant de structure… je pense que je le deviendrais quand je serais un peu plus vieux. Niak : C’est assez atypique, il y a encore 8 ans je faisais du sport de haut niveau, du cyclisme pour être plus précis. J’ai eu la chance de pouvoir intégrer une structure dédiée au sport qui m’a permis d’allier sport de haut niveau et études pendant plusieurs années. Des problèmes de santé m’ont finalement conduis à m’écarter de cette voie, mais je vous rassure, rien susceptible d’affecter ma vie aujourd’hui. Mon frère jouait régulièrement à CSS et je me souviens d’ailleurs lui dire qu’il allait devenir un geek et passer à côté de sa jeunesse… comme quoi la roue tourne ! Finalement, j’ai petit à petit pris sa place derrière l’ordinateur familial, je me suis rapidement intéressé à la compétition, j’ai rencontré des joueurs avec qui j’ai sympathisé et de fil en aiguille, j’ai tenté d’apporter l’organisation et la rigueur que j’avais connu dans le sport. Il y avait tout à créer, je me suis pris au jeu et c’est comme ça que j’ai débuté. Je n’ai jamais ressenti le besoin d’être joueur, je pense que j’ai eu ma “dose” avec le vélo ;) Quelles sont les qualités que doit posséder un manager ? Que doit posséder en plus un manager d'une équipe de haut niveau ? Next : Je pense que les qualités principales sont l’organisation, le sang-froid, être à l’écoute, savoir motiver et créer une cohésion, et le plus ingrats selon moi : recadrer les personnes quand il le faut. Je pense qu’à haut niveau l’exemplarité rentre en compte et savoir rester neutre dans toutes les situations et ne pas céder sous la pression de la fatigue, des déplacements et des orgas. Niak : Si vous êtes rigoureux, curieux et conciliateur, vous avez le profil de l’emploi. Après il faut être préparé à jouer le rôle de "papa" au quotidien, c’est probablement l’aspect le plus exigeant car pour rester crédible, il ne faut jamais baisser la garde. Après pour évoluer à haut niveau, je pense que c’est avant tout une question d’expérience et de crédibilité vis à vis des joueurs. Il faut être en mesure de s’imposer dans certains domaines.
Vous avez connu la période pré-professionalisation et aujourd'hui ce rôle est devenu votre activité à temps plein, quels sont les différences majeures entre ces deux périodes ? Vous attendiez-vous à cette évolution et dans le sens que vous l'imaginiez ?
Next : Les différences sont la dose de travail, on n'a pas le droit d’être "dans le jus" . On a beaucoup plus de choses à gérer aussi (comme les entreprises). Le fait aussi d’être très souvent en déplacement est un changement de vie radical qui touche aussi la vie perso. Pour moi ça reste encore un peu "nouveau" comparé à Jérôme, seulement 11 mois que cette évolution a eu lieu. Personnellement je n’ai jamais lâché donc j’espérais une évolution dans ce sens, mais pas aussi grandiose ! Niak : En soi, c’est globalement le même travail avec plus de volume et de plus grandes responsabilités du fait de la différence de moyens dont nous disposons aujourd’hui. On est également amené à côtoyer plus de professionnels d’univers différents, il faut faire preuve d’adaptation et intégrer les codes de leurs spécialités, c’est vraiment enrichissant. Pour ce qui est du développement, il est juste fulgurant depuis deux ans et pour être honnête, on envisageait ce scénario dans nos prédictions les plus optimistes sur du long terme, en aucun cas dans ce laps de temps. Quelle est la journée type d'un manager d'une équipe CS de haut niveau ? Next : Réveil entre 8h30 et 9h du matin, je traite les mails en me levant (ça prend pas mal de temps), ensuite je gère la paperasse des joueurs, les rendez vous avec le comptable/banque etc. Avec la gaming house j’ai quelque points à gérer en plus. Ensuite je traite les demandes d'interviews, réserve les avions, trains, hôtels pour les différentes compétitions, organise le planning des matchs Online/Offline. Je rejoins les joueurs dès qu'ils commencent à jouer (plus ou moins). Et j’essaye de rester avec eux jusqu'à la fin de leurs pracc/matchs Niak : Ça dépend pas mal du contexte et des projets du moment mais globalement ce qui revient quotidiennement, c’est le fait de gérer les relations avec l’organisation, les organisateurs et les partenaires, coordonner le travail du staff avec les joueurs, planifier matchs officiels et matchs d'entraînement. Après, on complète notre journée avec des projets plus ponctuels autour des joueurs ou pour le compte de l’organisation. Quels sont vos rapports avec vos structures ? Comment les gérez-vous ? Next : Les rapports avec EnVyUs se passe très bien, j'ai Mike tous les jours, au minimum une fois par jour au téléphone ou par Skype. C'est un excellent CEO, très à l'écoute et qui veut le mieux pour son équipe et ses joueurs. Il a néanmoins comme tout dirigeant de structure, pas mal de boulot donc par moment c’est un peu compliqué de faire avancer certaines choses. Niak : C’est une partie primordiale de notre boulot, gérer au jour le jour la relation avec l’organisation et faire office de médiateur entre les joueurs et le haut management. Les attentes et les convictions des deux parties ne sont pas toujours en phase et mon rôle consiste à trouver le moyen de concilier les deux, définir un terrain d’entente. Chez Titan, j’ai l’opportunité d’être en contact quotidien avec le fondateur et dirigeant du projet avec qui j’échange sur Skype à raison de deux à trois fois par semaine.
Comment jugez vous l'évolution des organisations avec le temps ? Next : Les organisations sont passées de petit groupe de bénévoles passionnés de jeux vidéos qui voulait professionnaliser l’eSport et qui faisait ça en plus de leurs boulots, à véritables sociétés qui génèrent un chiffre d’affaires. Pas toutes encore mais une grande partie des structures qui ont des équipes Top tier. Niak : Chez Team VeryGames en 2013, nous avions une association à but non lucratif, nous travaillons aujourd’hui avec des entreprises basées dans des places financières de premier plan. Le chemin parcouru est donc significatif et gérer une telle organisation représente un sacré défi. Les organisations adoptent donc le fonctionnement de véritables entreprises et sont en passe de devenir des affaires prospères. On peut aisément comparer leur fonctionnement à un club sportif professionnel. Quel est votre role in game ? Vous êtes derrière les joueurs pendant les matchs, si un coach est recruté vous seriez donc "écarté" de cette position et deviendrez un 7ème homme en quelque sorte, l'accepteriez vous ? Next : Online je n’ai pas de rôle in game, mis à part souligné les erreurs flagrantes, les problèmes de comms et les problèmes récurrents en essayant d’apporter un point de vue externe à tout cela. Offline on rajoute à cela une présence derrière les joueurs et un soutien plus mental en criant à la fin de certains rounds, en faisant des checks aux joueurs ou en rappelant qu’ils sont en clutch avantagé. Je l’accepterai et il n’y aurait pas de 7ème homme, il y aurait une équipe de 7 personnes, un coach et un manager sont complémentaires. Pas toutes les équipes ont besoin d’un coach mais je vais prendre l’exemple de l’ESWC 2014 avec les filles de 3DMAX, Lambert les a coaché, j’étais derrière avec lui quand nous n’étions pas sur scène et juste devant la scène lors de la finale. Je ne me suis pas senti à l’écart bien au contraire, on avait lié quelque chose entre les filles, lui et moi qui fonctionnait. Il a été une partie importante du titre, une partie que je n’aurais pas pu apporter. Niak : Mon rôle consiste à apporter du recul sur notre jeu, sur nos choix et concilier les convictions de chacun. Quand vous suivez une équipe depuis plusieurs années, que vous écoutez la communication et participez aux discussions autour du jeu, vous développez naturellement une certaine expertise. Pour autant, dans mon cas, elle n’est pas suffisante pour m’imposer quand il s’agit de résoudre une problématique profonde ou de créer quelque chose de neuf. Je ne suis pas suffisamment passionné par cet aspect et je ne l’ai jamais pratiqué en tant que joueur, je n’ai donc ni la compétence, ni la légitimité pour jouer ce rôle là au sein de l’équipe. Je veille à ce que l’on applique les bases et je mets le doigt sur ce qui fonctionne bien. Ce n’est pas la définition que je me fais d’un coach et c’est pour cela qu’à terme je me focaliserai sur ce que je maîtrise, à savoir le management. Comment gérez vous les défaites ? Un manager reste un humain, vous est-il déjà arrivé de perdre votre sang froid ou de montrer vos émotions ? Next : La gestion de la défaite est quelque chose de compliqué, j’en apprends chaque jour un peu plus. J’essaye de cacher au plus mes émotions au moment de la défaite, je dois être à ce moment là plus que jamais l’épaule sur laquelle les joueurs doivent se reposer. Ensuite j’essaye de m’isoler un petit peu, ne serait ce que 5 minutes, pour extérioriser et enlever la partie négative de la défaite pour essayer de ne retenir que ce qui peut faire grandir l’équipe. Malheureusement oui, comme tu le dis, on reste humain alors oui j’ai déjà montré mes émotions et on me l’a fait remarquer, j’ai donc de suite essayé de remédier à cela. Un manager aussi doit constamment faire un travail sur lui même ! Niak : Évidement, on reste avant tout des humains avec chacun des sensibilités différentes. Personnellement, je n’ai pas toujours réagi de la même manière face à la défaite, j’ai connu plusieurs phases dans ma carrière. Cette évolution je la dois au fait que je me suis souvent remis en question, le management n’est pas une science exacte. C’est glissant de gérer une situation de crise en tant que manager, il faut tacher de mettre de côté ses états d'âme et penser aux intérêts du groupe. Pouvez-vous nous raconter quelques anecdotes ? Quelle est la chose la plus folle que vous ayez faite ? Quel est votre meilleur souvenir ? Votre pire souvenir ? Next : Les meilleurs souvenirs, j’en ai beaucoup mais je vais en citer 2 , mon premier "grand" titre avec les filles 3DMAX à l’ESWC 2014 et l’ESL One Cologne 2015. Mon pire souvenir date de l’époque de Recursive, DHWinter 2013, juste après cette performance il y a eu des coups en douce et le premier « shuffle » entre Clan Mystik et Recursive et je me suis retrouvé sur la touche suite à l’affiliation à LDLC. Niak : Ça va faire 7 ans que je travaille avec Ex6TenZ autour de ce projet et pourtant c’était mal parti. Je me souviens de notre première réunion d’équipe pour préparer la TeX 2008 avec Epsilon, Kévin m’a coupé au beau milieu d’une phrase pour dire qu’il ne supportait pas ma voix… Je m’étais promis de ne pas le louper, j’ai eu ma revanche depuis ;) L’émotion la plus intense de ma carrière est probablement notre toute première victoire à la TeX 2008 ou nous n’étions pas attendus à ce niveau. Ça a représenté une sacré aventure humaine. Pour le pire, je dirais que les épisodes mK et KQLY ont été des moments particulièrement éprouvants. Vous êtes vous déjà senti reposé, calme et confiant depuis que vous occupez ce rôle ? Ou faut-il tout le temps être sur le qui-vive ? Next : Personnellement je suis constamment sur le qui-vive, je veux toujours donner plus, et donner le meilleur de moi-même. Calme oui. Mais par contre dès qu’on se repose ou qu’on est confiant je pense que beaucoup de problèmes peuvent vite arriver sans forcément qu’on ne s’en rende compte directement. Niak : C’est une bonne question. Je pense qu’un bon manager ne peut pas se reposer sur ses acquis. Notre rôle consiste notamment à donner le tempo, insuffler la dynamique du groupe… Si l’on est pas à 100%, c’est indéniable que ça impacte l’équipe. Les joueurs sont critiqués et depuis CS:GO, les managers et coachs aussi y ont droit. Régulièrement certains commentaires clament "Niak/Next ne sert à rien", que repondriez-vous à ces critiques peu éclairées ? Next : Haha ! Au début ça me faisait mal, et je me remettais en question à chaque commentaire du genre. Et puis je me suis rendu compte que ce n’était pas du tout fondé. La seule chose que je peux répondre à cela c’est : effectivement si on s’arrête à la façade vous avez raison on ne sert à rien. Si vous voulez critiquer, essayez au moins de vous renseigner ou d’argumenter, ça peut nous aider sincèrement. Niak : Personnellement, je n’en veux pas aux gens qui se questionnent sur mon rôle. Depuis le passage sur CS:GO, je me suis mis plus en retrait pour laisser l’espace médiatique aux joueurs d’une part et me concentrer sur mon job d’autre part. C’est légitime que l’on puisse se demander à quoi sert ce gars derrière qui s’exprime peu et dont l’implication reste assez obscure. D’autre part, j’assume parfaitement que j’ai aussi ma part de responsabilité dans les performances de mon équipe. Les gens avec qui je travaille savent pourquoi je suis là, c’est probablement eux qui pourraient le mieux décrire mon rôle. Merci à vous pour avoir répondu à nos questions, si des apprentis managers lisent cette interview, que leur conseilleriez-vous ? Next : Conseil simple, si vous êtes vraiment motivés, rien ne sert de le dire il faut le montrer, ne pas lâcher au premier obstacle, et de manière générale : Never Give Up ! C’est ce qui m’a conduit ici, et je pense que c’est un bon résumé, ne pas griller les étapes, garder la tête haute et toujours avoir soif de connaissances ! Niak : C’est moi qui vous remercie, j’espère que ce dossier permettra de faire la lumière sur ce rôle encore méconnu. Sinon, pour un nouveau venu, je dirais qu’il faut s’investir et vivre le projet au même rythme que les joueurs, faire preuve de rigueur, passion, curiosité et empathie. Croyez moi, c’est une expérience très enrichissante que je conseille à tous ceux qui hésiteraient à se lancer. |
Photos : HLTV/ESL/DreamHack
Un grand merci à neL, L4p et Dorian.
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