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HaRts : "Le but, c'est toujours d'avoir un petit coup d'avance"

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Deux ans et demi après la parution du magazine VaKarM, fin 2021, nous avons décidé de mettre en ligne les principaux articles le composant, histoire d'en faire profiter ceux qui ne l'avaient pas commandé à l'époque. Ne vous étonnez donc pas si ces articles vous disent quelque chose, il est possible que vous les ayez déjà lus sur papier !

Interview réalisée en février 2021

"Place-toi derrière HaRts, écoute attentivement, regarde attentivement, tu auras les bases", conseillait krL aux jeunes leaders de l’époque. Monument du Counter-Strike hexagonal, HaRts a influencé la scène pendant près de quinze ans. Unique meneur tricolore à avoir remporté un Major sur 1.6, élu meilleur joueur français de la décennie 2000, il continue d’incarner l’image du leader posé et réfléchi, capable de gagner un match à la seule force de sa tête.

Quand tu as commencé à jouer à CS, leader, c’est quelque chose qui est venu assez vite ?

Au début, je n’étais pas directement leader attitré, mais c’est venu assez rapidement. Quand j’ai commencé CS, il y a quand même pas mal d’années, je pense que le principe de leadership n’était pas aussi naturel que ce qu’on voit aujourd’hui. Dans chaque partie, il y a toujours quelqu’un qui va lead, même dans un mix. À l’époque, ce n’était pas aussi simple que ça. Les codes de CS n’étaient pas aussi écrits. Du coup, ça laissait pas mal de place pour parler, et parler, c’est quelque chose que j’ai commencé à faire très rapidement quand j’ai découvert CS.

J’irai même plus loin puisque c’est arrivé dans CS mais aussi bien avant. Je faisais du foot en compétition et dès mon plus jeune âge, j’avais l’habitude d’avoir cet aspect tactique en ayant un positionnement central, par exemple en tant que défenseur central ou milieu de terrain. J’avais déjà l’habitude de regarder le positionnement de mes joueurs, de les placer... J’avais ce côté-là, où je parlais naturellement. Je l’ai retrouvé dans CS petit à petit.

L’aspect stratégique, tactique, tu connaissais déjà un peu.

Connaître, c’est un grand mot, mais disons que c’est quelque chose qu’on fait un peu naturellement. Au foot, on ne m’a jamais dit "il faudra que tu choisisses ça ou ça". C’est juste que dans ta compréhension du jeu, tu penses qu’il y a quelque chose qui devrait être fait et tu le dis. Personne ne te disait "c’est toi qui vas parler".

Par la suite, sur CS, c’est arrivé parce que les codes n’étaient pas aussi établis. Les joueurs avec qui je jouais ne parlaient peut-être pas, et naturellement tu prends la position. Après, petit à petit, tu développes ton leadership.

Quand tu commences à monter en grade et que tu te fais un nom sur la scène, est-ce qu’il y a d’autres leaders qui t’ont inspiré ?

Oui, j’ai eu quelques grandes inspirations. Je pense que la plus grande, c’est -=Sn][peR=-, quand je suis arrivé chez goodgame en 2003. Pour la petite histoire, c’est maintenant l’un des coachs de séduction les plus connus sur YouTube, Sébastien Espinosa. Je lui fais de la pub, vous allez voir qu’il a un certain charisme !

Dans le jeu, il m’a extrêmement inspiré parce qu’il était très créatif. Il avait l’idée d’apporter du mouvement à la défense là où d’habitude, sur Counter-Strike à l’époque, les équipes étaient très statiques, très lentes en défense, et proposaient peu de mouvements en milieu de round ou d’agressions en début de round. Dans l’ensemble, c’était juste "chacun prenait sa position". Ce côté-là m’a beaucoup inspiré par la suite pour mon leadership, je me suis dit "c’est trop bien".

Le but dans CS, c’est d’être le moins attendu possible, que l’autre équipe ne soit pas prête à ce que tu fais. Donc quand tu crées du mouvement, tu déplaces des pions et tu changes la donne. Là-dessus, -=Sn][peR=- m’a beaucoup inspiré.

À cette époque-là, c’est comme ça que je me suis construit. Après, c’est plus en fonction des bonnes équipes. Tu vas essayer de regarder à droite, à gauche.

Il y a autre chose qui fait un leader, en plus du côté stratégique, c’est sa personnalité, son caractère. Tu avais la réputation d’être très calme, est-ce que c’est quelque chose de naturel chez toi ou est-ce qu’il a fallu que tu le travailles ?

C’est un peu naturel parce que je suis quand même calme de base, mais ça se forge aussi. Quand je suis arrivé chez goodgame en 2003, je venais pour apporter ma vision de jeu en tant que leader. C’est la première fois que je me retrouvais avec des joueurs du top niveau français et avec des gens que je ne connaissais pas. C’était moi le "+1", avec quatre autres qui se connaissaient déjà bien.

Donc tu arrives avec une vision, ta façon de voir, de comment tu veux jouer à CS. Mais à 18 ans, tu n’as pas forcément le recul qui fait que la vision que tu veux imposer va être totalement comprise, qu’il ne va pas y avoir d’erreurs, etc. Je pense que je suis un peu en avance sur "comment jouer à CS", mais les autres ne le voient pas encore, donc il y a des erreurs un peu idiotes qui se répètent. Du coup, ça crée de la frustration, de l’énervement. Et à la place de donner ta vision correctement, tu vas peut-être mal la donner. Et tu te rends compte que ne pas être calme avec tes coéquipiers, et faire des erreurs quand tu donnes ta vision, ce n’est pas la meilleure des choses. J’avais plus d’agacement à cette époque-là et à cause de ça je me suis fait kick, parce que ce n’était pas tolérable pour eux.


Se faire kick à coups de pied, allégorie (photo : goodgame)

Il y a eu d’autres histoires, mais je sais qu’à l’époque, je me suis remis en question là-dessus en me disant "ce n’est pas comme ça que tu vas apporter le mieux ta vision, il va falloir que tu sois calme et tolérant avec les erreurs que tu verras, sinon tu n’arriveras pas à faire passer un message".

Le deuxième point en termes de calme, c’est en compétition. Avec Bizounours, on a perdu des matchs qu’on était en train de dominer, dont un en Espagne, en 2005 je crois. On domine énormément, on gagne 11-1 et on est en train de crier en se croyant trop beaux, en croyant qu’on va gagner. Et au final, on se fait rattraper.

J’en ai un autre comme ça avec emuLate en deuxième phase de poules de l’ESWC 2007, face aux Anglais de Dignitas. On est trop bien, on a dominé la première manche, et on est vraiment trop excités et pas assez calmes dans notre comm’. On perd un peu nos moyens en voyant l’équipe qui nous remonte et on n’arrive pas à retrouver notre sang-froid.

À la suite de ce match perdu, on a dit "plus jamais ça". Peu importe ce qui se passe dans le match, même si on fait la meilleure action du monde ou qu’on domine, on reste froids, le plus calme possible. Les émotions sont bien parfois, pour redonner un coup de boost, mais on ne doit pas oublier que c’est avant tout la concentration qui doit primer. Les émotions doivent nous aider à de petits moments quand on en a besoin – ça reste mental aussi –, mais là, on a vu qu’on était allés beaucoup trop haut dans l’excitation. On s’était dit qu’il fallait qu’on régule ça et on a trouvé une sorte de balance entre émotions et concentration.

Chez emuLate, vous étiez réputés pour avoir un jeu très lent, beaucoup basé sur la prise d’infos, ce qui vous faisait parfois perdre des rounds au temps. Pourquoi tu te disais que c’était la meilleure manière de faire ?

C’est comme ça que j’ai toujours vu CS. Pour moi, le but du jeu à CS, c’est d’être en supériorité numérique là où on attaque ou là où on défend, d’avoir un coup d’avance sur l’adversaire d’un point de vue tactique. C’est vraiment ma priorité. Donc il faut récolter des informations pour savoir ce que fait l’autre, et ça prend du temps. Il y a 1 minute 45 mais avant c’était 3 minutes, donc ça laissait déjà beaucoup de temps pour préparer certaines phases, récolter toutes les informations, casser des lignes, si tu ne voulais pas rusher.

Parfois, ça arrivait qu’on mette un peu trop de temps, ou que l’équipe en face fasse ce qu’il fallait pour défendre là où on était en train d’attaquer. Ça a toujours été des petits rounds qui peuvent être parfois frustrants, mais quand tu prends la balance des bénéfices par rapport à ce que tu perds, je pense qu’on a gagné beaucoup de rounds comme ça.

Une de nos forces aussi, par rapport à ce style de jeu-là, c’est qu’on a gagné beaucoup de matchs à l’usure. Les joueurs en face perdaient patience. C’était très chiant de jouer contre emuLate à l’époque parce que personne ne savait jamais trop où on allait aller, et quand ils essayaient de prendre des informations, ils se faisaient sanctionner. Au final, les joueurs étaient un peu trop statiques en face de nous parce qu’ils avaient peur. C’était un aspect tactique important et ça mettait une grosse pression sur les autres.

A contrario, en CT, on était beaucoup plus agressifs. On essayait de bloquer, de comprendre où allaient les terros, pour être en position de force et les attendre en surnombre. Si tu veux des informations, il faut aussi créer du mouvement pour savoir ce qu’ils sont en train de faire.

-=Sn][peR=- parlait beaucoup de mouvements comme la reprise banane sur Inferno. En 2005, quand tu voyais trois ou quatre CT revenir en B et faire une reprise, c’était quasiment inédit. Ce genre de mouv’, je me suis dit "c’est trop bien, je veux en faire d’autres ailleurs sur la carte". C’est comme ça qu’en CT, on a eu un jeu très agressif.


HaRts, Baldours, MaYeRs, latOr et -=Sn][peR=- sous les couleurs de goodgame

 

Ce genre de mouvements inédits, vous étiez les seuls à essayer de les trouver, ou d’autres équipes adoptaient un peu la même approche que vous ?

Des agressions en CT, il y en a avait, mais peut-être pas des reprises en milieu de round. Souvent, c’étaient des agressions directes, dès le début. Mais des agressions pour reprendre une information, avec une flash ou un surnombre pour décaler la zone, c’était quelque chose de plus rare. Ils avaient plutôt tendance à rester statiques dans les défenses.

En terro, notre jeu ne se résumait pas non plus à attendre très loin. Une de nos forces, c’est qu’on avait des prises de zones extrêmement fortes et rapides pour vite être proches des BP. Ça crée une grosse tension directement parce qu’on était très rapidement un peu partout et on avait le contrôle de la carte. On était vraiment très forts sur les premières secondes de jeu, et après on était capables de les feinter.

Dans un round classique, tu donnais rarement une stratégie très précise au spawn, chacun allait chercher ses infos et après, vous effectuiez une stratégie selon ce qui avait été récupéré ?

Ça dépendait. Effectivement, on pouvait jouer un peu plus en défaut. Mais ce qu’il faut comprendre, c’est qu’en défaut, ce n’est pas aussi simple que juste "on parle pas et chacun fait son truc". Ça demande beaucoup de communication entre les joueurs : qu’est-ce qu’on va prendre, qu’est-ce qu’on fait, tu vois une réaction et go faire ci et ça, etc.

Après, on avait aussi des stratégies comme des rushs, des déclics, qu’on pouvait call au spawn et qui apparaissaient pour casser le rythme, ou pour changer si on se doutait qu’ils voulaient s’adapter à notre style. On était capables de parier, de se dire que ça, ce serait une bonne réponse à leur réponse sur ce qu’on avait fait avant. Le but, c’est toujours d’avoir un petit coup d’avance, de se dire "qu’est-ce qu’ils vont faire". On habitue l’équipe adverse à quelque chose et au moment où elle trouve la solution, on est sur quelque chose d’autre.

Est-ce que tu étais un fervent lecteur de démos, pour être dans la tête du leader adverse avant même le match ?

À l’époque, on était coach, analyste, viewer de démos ! Je pense avoir été l’un des premiers à regarder autant de démos et de matchs. Je ne m’en cachais même pas, je le faisais aussi en tournoi, je me déplaçais avec mon PC portable. Les gens pouvaient voir que je regardais les démos des autres. Ça crée une certaine pression parce qu’ils savaient que je regardais les démos, donc ils avaient peur. Tout leur jeu un peu trop prédéfini, on était capable de l’antistrat’ et de prendre un petit avantage. Nous, dans notre style de jeu, on avait quelque chose de beaucoup plus modulaire, avec de l’adaptation, c’était plus difficile de nous antistrat’.

Donc oui, beaucoup de démos depuis très longtemps, ça m’a permis de bien préparer les matchs, d’avoir certains avantages tactiques qui étaient importants. On a gagné pas mal de choses comme ça, que ce soit des pistol rounds, des rounds importants... Comment pensait l’autre leader, et voir quelles solutions on avait pour s’adapter. Je me basais toujours sur ça, comment joue l’autre et qu’est-ce qui va l’embêter le plus.

Ça t’arrivait de déléguer le lead à un de tes coéquipiers sur un round précis ou un side, si tu sentais qu’ils avaient vraiment des inspirations ?

Oui, bien sûr. Je suis le leader in-game mais tout le monde avait un rôle extrêmement important à jouer sur l’aspect tactique, il faut le comprendre.

R!go, c’était le co-leader, il m’accompagnait dans la lecture générale du jeu. Il a été excellent, il a toujours très bien compris le jeu et la vision qu’on voulait mettre en place. Quand tu es co-leader, c’est compliqué parce que tu dois respecter le call du leader, même si parfois il se trompe. R!go était un très bon co-leader parce qu’il alimentait toujours avec de très bonnes idées et si on avait un choix différent l’un de l’autre, même si je me trompais, il le respectait.

Il y avait ioRek pour les côtés un peu "exotiques", les rushs, les tricks. Des petites situations où quand on était un peu bloqués, il était capable de débloquer le round à lui tout seul. Il apportait aussi une analyse posée de la situation, un côté un peu plus réfléchi, plus calme dans son approche, alors que R!go et moi on était toujours sur le moment. Lui, il intervenait de temps en temps un peu comme une petite pincée de sel, "vous pourriez peut-être faire ça ou ça", et ça nous redonnait de nouvelles idées. Il y avait vraiment un débat entre nous trois.

mSx pouvait aussi apporter des choses sur l’aspect tactique parfois. Des stratégies, ou certaines choses qu’il "sentait". Mickael (mSx) était très fort d’un point de vue individuel, donc il était capable de détecter là où il pouvait passer, et on pouvait orienter des strats sur ça.

MaT, ce n’était pas l’aspect tactique, plutôt le côté émotionnel. Il était toujours motivé et très important dans l’aspect humain d’une équipe, en match ou hors match. Chacun avait vraiment son rôle dans l’équipe. Tu ne peux pas tout faire tout seul.


mSx, l'Île-de-France et HaRts

 

Est-ce que dans des équipes, avant ou après ce cinq emuLate, ça t’est justement arrivé de te sentir un peu isolé au lead ?

Dans l’ensemble, non. Après emuLate, il y a eu l’époque FairFrag où ioRek était avec moi en tant que co-leader. Je n’étais plus avec R!go, mais ioRek aidait pas mal. Avec Clan-Mystik, il y avait toujours ioRek et aussi apEX. Il y avait toujours des gens à côté pour aider sur l’aspect tactique.

Ça te surprend qu’apEX soit devenu leader ?

Non, pas du tout. J’ai rencontré apEX au début de CS:GO. Ça a été l’un des premiers à me motiver et à me dire "reviens jouer". Il me parlait beaucoup. Au tout début, il cherchait, il parlait un peu à tout le monde, parce qu’il avait déjà très faim à l’époque. Je n’étais pas encore sur le jeu mais on parlait déjà. Je suis arrivé sur CS:GO un peu plus tard parce qu’au début je trouvais le jeu pas très bien, et ensuite on s’est retrouvés chez Clan-Mystik en septembre 2013. C’est là où j’ai appris à le connaître.

Il a apporté des choses que j’aimais moins dans l’aspect tactique. Je me suis toujours concentré sur l’instantané, l’adaptation, et pas trop sur des strats précalculées, à la flash près. apEX avait ce côté-là, donc on se complétait très bien quand il est arrivé. Lui apportait ça, et nous on apportait un style un peu plus 1.6 à base de contrôles et de lecture de jeu.

Il était déjà évidemment très passionné par l’aspect tactique, donc le voir leader aujourd’hui, ce n’est pas une surprise. Je me demande comment ça ne s’est pas fait avant ! Je pense aussi qu’il est très intelligent, il est passé chez quasiment tous les leaders, donc autant dire qu’il a une expérience impressionnante en termes de panel de visions. Il peut le faire à sa sauce, en prenant le meilleur de chaque. Et en plus il est passionné depuis toujours, donc non, pas surpris du tout !

Chez Clan-Mystik, c’était lui ton co-leader ou c’était encore ioRek ?

On fonctionnait un peu en triangulaire, mais il y avait surtout apEX et moi, et ioRek pouvait aider de temps en temps.

Est-ce qu’avec mSx, probablement le meilleur joueur français de l’histoire de 1.6, ça t’arrivait de mettre en place des stratégies, des plans de jeu qui tournaient complètement autour de lui ?

Directement autour de lui, non. mSx était tellement fort qu’il n’en avait pas besoin. Il était déjà capable d’être très bon seul, juste avec son skill brut. Il n’y avait pas besoin de se concentrer en se disant "il faut le mettre bien". Tout le monde essayait de se mettre bien dans sa zone. On était assez forts pour prendre des zones en attaque et tout le monde le faisait bien. Il n’y avait pas besoin de lui mettre 50 flashs. Je ne me rappelle pas avoir fait de strat’ ultime en le lançant à une position et en se disant "c’est lui qui en fera le plus".

La grande victoire avec emuLate, c’est les WCG 2007, où vous battez les NoA de zonic en finale. Sur la première carte, vous perdez le pistol round et, contrairement à d’habitude où tu choisissais d'éco, vous forcez l’achat au round 2. Vous rentrez ce forcebuy et ensuite vous déroulez votre jeu. C’est assez intéressant que tu aies pris cette décision le jour d’un des matchs les plus importants de ta carrière. Tu t’es dit "allez, là je change les codes" ?

C’est une bonne question, pourquoi on avait fait ça ? C’est vrai qu’à l’époque, on préférait faire une éco glock totale et acheter derrière. Je ne sais pas, peut-être qu’on l’avait passé en prac’ quelques temps avant, ou on était chaud au Deagle... Je n’arrive plus à me souvenir exactement de pourquoi. Peut-être la frustration, des fois ça peut arriver, tu perds le pistol et tu te dis "vas-y go, on va le repasser au Deagle, ça s’est pas joué à grand-chose".

Il y avait aussi un élément qui était important : vu que les autres savaient qu’on pouvait plutôt faire de l’éco glock, ils avaient peut-être tendance à jouer en ligne croisée sur les BP, en se disant "pas besoin de prendre de risques". En changeant de style à ce moment-là, c’était un moyen de surprendre. Il y avait un mélange de tout ça, qui fait dire que ça vaut le coup de changer à ce moment-là.

Dans ce genre de grands matchs, des finales, des rencontres éliminatoires, tu sentais que ton lead pouvait un peu changer ? Est-ce que tu aimais prendre des risques dans ces instants ?

Je n’ai pas l’impression. J’exagère un peu, mais dans ma tête je suis toujours en finale de Coupe du monde. C’est mon style de jeu et j’ai l’impression que je ferais, la plupart du temps, la même chose. Je ne vais pas changer du tout au tout. Après, les WCG 2007 sont un bon exemple parce qu’on a changé, on a cassé le rythme pour cette éco. Mais ça faisait partie du plan "metagame", les gens savent que tu fais ça tout le temps, et à un moment donné tu changes.

C’est arrivé en finale, mais ça aurait pu arriver n’importe quand.

C’est ça.

Lors de cette finale, NoA était menée par ave, qui avait une réputation de très bon leader. Pourtant, dans ta carrière, tu as réussi à le battre un paquet de fois. Tu te sentais bien contre lui, tu comprenais son jeu, tu étais un peu dans sa tête ?

Je trouvais que les NoA étaient trop statiques en CT, trop lents, trop prévisibles. On savait que ça allait parfaitement à notre style de jeu parce qu’ils nous laissaient l’espace du début en terro. On leur mettait rapidement la pression sur les BP et on pouvait faire des fakes, etc.

Et puis après, l’avantage mental. Vu qu’on les a joués plusieurs fois, et qu’à chaque fois on les battait, petit à petit on les dominait. À chaque fois, ils étaient moins bien au moment de nous jouer.


emuLate, à jamais les premiers (HaRts, R!go, MaT, mSx, ioRek)

 

À l’inverse, une équipe ne te réussissait pas trop : le Golden Five, avec TaZ, NEO, kuben, LUq et Loord. Là aussi, c’était une histoire de style de jeu, qui cette fois-ci était mieux adapté au vôtre ?

C’est une histoire de karma ! Pour la petite histoire, une des premières fois, si ce n’est la première fois où je les ai joués, c’était en 2003 ou 2004. Ils étaient chez CNN, et moi chez *aAa* il me semble. On les jouait sur Nuke et je crois qu’on les a battus 11-1 en terro. Au dernier round, on avait masse de thunes, on a tous acheté des Para (ndlr : la batteuse de 1.6), on est allés sur les murs et on a tous tiré je ne sais pas combien de balles, c’était un peu ridicule ! Mais c’est peut-être pour ça, le karma !

Après, tactiquement, qu’est-ce qu’ils faisaient qui les rendait si compliqués à jouer ? Si on regarde notre historique, c’est vrai qu’ils nous ont toujours posé problème. Et quand on aurait pu les battre, il s’est passé l’histoire de la pause à l’ESWC 2008. C’est peut-être bien le karma, c’est la meilleure explication ! N’humiliez jamais trop vos adversaires, ça peut vous retomber dessus plus tard. C’est peut-être ça la meilleure des réponses !

Non mais ils étaient vraiment très bons, ils étaient au-dessus. Ils jouaient aussi un style très agressif, ils ne laissaient pas de place.

Contre un joueur comme NEO, réputé pour être peut-être le meilleur joueur de l’histoire de 1.6, ça a pu t’arriver de mettre en place des plans de jeu spécifiques contre lui ?

Non, on n’a pas fait ça. On était vraiment toujours basés sur l’adaptation. Il n’y avait pas de plan ultime. Après, on pouvait savoir que si tel ou tel joueur était là, c’est qu’il y avait peut-être le reste de l’équipe avec, ou que c’était un fake. On pouvait aussi prévoir, "il a tel ou tel pattern, il fait telle ou telle chose", on pouvait répondre à ça. Mais c’était plus souvent des antistrats globales que des focus sur un move particulier. Si on savait que l’équipe avait l’habitude de faire des prises de zones comme ça, on pouvait avoir des antistrats, en disant par exemple "on va faire une défense forte à 3 en B sur Train".

Sur ce fameux ESWC 2008, il y a donc l’histoire où tu déclenches une pause en plein quart de finale contre ces mêmes Polonais du Golden Five, qui jouaient à l’époque chez Meet Your Makers. Qu’est-ce qu’il s’est passé ?

Je pense que c’est le match le plus compliqué de ma carrière, de loin. Les admins, des Français, ont fait n’importe quoi. Le règlement n’était vraiment pas très clair sur la pause et par rapport aux pénalités.

En fait, je mets la pause sur la première manche terro de Train, juste après le freezetime. Tu viens de sortir du spawn terro, donc ça ne change pas grand-chose en soi. À la mi-temps, MYM va se plaindre, mais les admins français disent "c’est bon, il n’y a rien, continuez". Il y a 8-7 pour nous en terro, on passe sur le side CT, on commence le pistol, et là les admins nous disent "vous avez deux rounds de pénalité". Mais ça veut dire quoi ? Est-ce qu’on nous enlève juste deux rounds ? Au niveau du calcul du nombre de rounds que tu dois mettre en CT pour gagner, sur le coup, ce n’est pas clair. Tu es en train de jouer, en plein pistol, et un mec vient te taper sur l’épaule pour te dire "vous avez -2", tu te rends compte ? C’est ridicule.

Je demande à mettre pause, pour comprendre, mais les admins nous l’interdisent. Donc on est en train de calculer, pendant qu’on joue notre match, combien de rounds on doit mettre pour gagner. C’est un peu le bordel. Je crois qu’on fait une éco alors qu’on ne doit pas en faire une, parce qu’on est perdus au scoreboard.

À la suite de ça, on perd Train, alors qu’on avait gagné Dust2, la première map. Ensuite, sur Nuke, on passe à côté (ndlr : emuLate s’inclinera 1-16 et sera donc éliminée du tournoi). On y est mais mentalement, on a tous pris un coup. C’est sûr que je m’en veux aussi, ça reste moi qui ai déclenché cette pause, même s’il n’y aurait jamais dû avoir toutes ces conséquences.

En dehors du Golden Five, il y avait d’autres leaders ou d’autres styles de jeu que tu considérais comme tes némésis ? Tu savais que tu allais galérer contre eux, que tu n’arrivais pas à les contrer ?

fnatic, SK, toutes les grosses équipes. Honnêtement, sur chaque match, j’avais la même approche. J’ai toujours eu un côté très "pessimiste". J’étais en confiance mais tous les matchs, je les respectais à fond.

Tu te méfiais de tout le monde.

C’est ça. J’ai toujours été dans cette approche-là. Je ne voulais pas me faire surprendre donc tous étaient à la même enseigne, en préparant du mieux que je pouvais chaque match.


Rush B en direct

 

Quand tu arrives sur CS:GO, est-ce que tu notes des différences sur la manière de leader entre 1.6 et ce nouvel opus ?

Non, sur le lead dans l’ensemble, ça reprenait les grandes bases. Je pense que la plus grosse difficulté, c’était surtout de mieux connaître toutes les grenades. C’était ça le gros truc à apprendre. Et puis l’aim, être à l’aise avec les contrôles du jeu, les armes, les déplacements, les moves... Il y avait toute cette petite transition à faire.

Quand je suis arrivé sur CS:GO, j’ai commencé par la Gamers Assembly 2013. C’est là où je me suis dit "ça a l’air cool, les patchs sont plutôt bons, le jeu commence à s’améliorer, la scène à se développer, j’ai envie de revenir et rejouer sérieusement". Je suis parti à la Gamers Assembly en mix, il y avait MAJ3R, mshz... Et je n’avais quasiment pas touché au jeu. On a perdu assez tôt (ndlr : top 9/12) mais j’y allais surtout pour scouter, parce que je voulais voir comment était la scène, qui était chaud et voir s’il n’y avait pas des bons joueurs à récupérer pour monter une équipe avec ioRek.

À ce tournoi-là, on a fait l’équipe Clan-Mystik. On a récupéré kioShiMa et KQLY, avec sa Gamers Assembly assez controversée (ndlr : banni pour cheat fin 2014, KQLY est soupçonné d’avoir triché lors de cette GA 2013), c’est comme ça qu’on l’a découvert, et puis ioRek, moi et drizzer.

Le principal changement tactique, c’était peut-être l’apparition de la molotov/grenade incendiaire, est-ce que ça t’a bousculé un peu ?

Elle était super forte au début, mais après on a joué avec et on s’est habitué. Ça ne faisait pas partie des plus gros changements. Ça a apporté un petit truc en plus. J’ai toujours aimé quand il y a des nouveautés donc j’étais plutôt content, même si elle était complètement fumée avant son nerf.

Il y avait aussi l’aspect des travers/wallshots, qui était moins important. Sur CS:GO, il y en avait moins que sur 1.6, mais on l’a remplacé par le stuff.

En passant de 1.6 à CS:GO, on retrouve par contre toutes les mêmes maps. Est-ce qu’il y a un moment dans ta carrière où tu as regretté qu’il n’y ait pas plus de changements ? Tu as passé quinze ans à lead sur Dust2, est-ce que tu n’as pas été lassé au bout d’un moment ?

J’aurais aimé un peu de nouveautés, je pense que ça n’aurait pas fait de mal d’avoir de nouvelles maps. Mais en même temps, quand tu vois le nombre de matchs et d’histoires que ces cartes ont pu écrire, c’est impressionnant. Si on a encore autant d’engouement à regarder des matchs sur ces maps-là, après vingt ans, est-ce que ce n’est pas infini ? C’est à quel moment que ça s’épuise ?

En même temps, avec la sortie de Valorant, j’ai quand même été vraiment content d’avoir un peu de nouveautés. Je me suis toujours dit "c’est quand qu’il va y avoir un concurrent à CS ?" parce que pour moi, c’était le meilleur jeu du monde. Je me disais "pourquoi il n’y a pas plus de concurrents ?", donc j’étais content que Riot vienne et propose une alternative, avec de nouvelles maps notamment. Mais Inferno, Dust2, ce sont des cartes assez mythiques. Sur Valorant, j’ai l’impression qu’ils n’ont pas encore de maps aussi "fortes". Il manque encore quelque chose.

CS:GO, c’est aussi la rencontre avec Ex6TenZ, le leader francophone emblématique sur CS:Source, connu pour son intelligence de jeu, son style de lead, etc. Tu le découvres véritablement sur GO ou est-ce que tu le connaissais avant ?

Je le connaissais de réputation parce que j’ai toujours suivi la scène CS:Source. Pas forcément de très près mais j’ai toujours regardé à droite, à gauche, on a eu des contacts. Avec emuLate, on s’est parfois aussi retrouvés à avoir une line-up Source. J’avais joué au jeu à sa sortie en 2004, avec la Team France de l’époque dans les tournois Clan-Base en Europe. Donc je regardais déjà, et évidemment on les connaît. C’est toujours très inspirant.

En plus, Ex6TenZ avait un style de jeu à l’opposé du mien, donc c’est toujours très bon de voir ce que tu peux récupérer des autres, notamment quand ils ne sont pas du tout dans la même vision. CS:Source, c’était vraiment réputé pour être basé sur beaucoup de CPL, un jeu très préparé. C’était vraiment les deux écoles qui s’affrontaient.

Justement, quand tu as joué contre lui ensuite, parfois dans des matchs à enjeu comme en finale de l’ESWC 2013, tu as senti qu’il y avait une bataille tactique entre vous ?

C’est sûr qu’il y avait une grosse guerre tactique. Ce match-là, à l’ESWC, était assez mythique, parce que c’étaient deux écoles qui s’affrontaient pour la première fois dans un match aussi important.

Sur Mirage notamment, la deuxième carte, on a été incroyables en CT d’un point de vue tactique. On n’a pas perdu un round (ndlr : menés 3-12 à mi-match, HaRts et Clan-Mystik enchaîneront ensuite 13 rounds en défense pour s’imposer 16-12), et surtout on arrive à les lire. À chaque fois qu’ils tentent des accélérations en B, on est trois. On fait le bon call parce qu’on commence à les connaître, on sait qu’à un moment donné ils vont changer de rythme, ils vont accélérer comme ça vu qu’ils n’arrêtaient pas de s’empaler en A. Clairement, il y avait un aspect tactique, mais aussi savoir à quel moment ils allaient vouloir changer de rythme. Et là-dessus, sur la dernière carte, je pense qu’on a été très bons.


Quatre vainqueurs de Major et un tricheur

 

Aujourd’hui sur CS:GO, tout un staff derrière le leader (coach, analyste, etc.), c’est monnaie courante. Est-ce que tu as un peu connu ça avant ta retraite ?

Très peu, quasiment pas dans ma carrière. Je n’ai jamais eu d’analyste ou de coach avec moi. Ça a toujours été principalement moi. Peut-être avec Ozstrik3r un peu, mais ça a été très rapide. À la fin de 1.6, lors d’un tournoi, il était venu nous aider, mais il ne nous suivait pas en entraînement au jour le jour, donc ça reste plus limité. Ce n’était pas un coach qui était tous les jours avec l’équipe, l’aidait à progresser et était là aussi pour les matchs.

Ça ne t’a jamais tenté, une fois ta carrière de joueur finie, de passer derrière et de conseiller un leader ?

Je l’ai un peu fait, à temps partiel, avec eFrog et LDLC White. Le problème, c’est que je travaille toujours chez Ubisoft, et c’est compliqué d’avoir un rôle de coach s’il n’est pas à plein temps, tout simplement. Et à Ubisoft ça se passe bien, depuis toujours.

Plusieurs fois, j’ai eu des propositions. Ça aurait pu se faire par exemple avec EnVyUs, au moment d’un gros shuffle, juste avant l’arrivée de maLeK. Quand maLeK est arrivé, j’étais en discussions avec Next (ndlr : le manager d’EnVyUs à l’époque). Il y a eu des tentatives, mais ça ne s’est jamais totalement fait. Est-ce que j’aurais été tenté ? Oui, et aujourd’hui ça reste ouvert. Je travaille dans le jeu vidéo, l’esport est toujours quelque chose qui me passionne. Il y a encore du temps.

En 2014, tu prends une première retraite et tu arrêtes le jeu. Tu reviens finalement en 2016 avec Millenium. Pendant ces deux ans de pause, tu avais complètement coupé les ponts avec CS ou tu continuais à jouer un peu ?

Je n’avais pas trop joué pendant cette période. Déjà, j’ai un problème de connexion Internet à Paris, j’ai un ping vraiment pourri à Montreuil, ça me frustre beaucoup. Et surtout, quand j’arrête CS en avril 2014, je me concentre vraiment sur moi. Je fais un gros régime, je me concentre sur Ubisoft. Donc non, je ne joue quasiment pas.

Je reviens fin 2015 quand MAJ3R et SIXER, surtout MAJ3R, est en train de monter le truc avec Millenium. Il cherche un leader, il essaie de me recontacter pour me remotiver à jouer, ce que j’accepte. C’est à partir de là que je reprends.

Tu as senti que ton lead était un peu rouillé après cette grosse année et demie de pause ?

Je pouvais perdre un peu en analyse. Quand tu joues moins, forcément, ça impacte ton leadership et ton jeu personnel. Quand tu arrives à bien lead, il faut que tu sois totalement à l’aise avec tes moves individuels, que ce soit presque naturel, que tu n’y réfléchisses plus, pour que tu puisses donner plus de concentration à ce qui se passe dans l’équipe et à comment la rediriger. Donc quand tu joues moins, tu es un peu moins à l’aise dans tes moves individuels, ça te demande de plus réfléchir à ce que tu fais. Et ça impacte ton lead d’équipe. Au début, il faut le temps de se remettre, mais une fois que tu reviens et retrouves la forme, ça va mieux.

Et sur le lead, ça ne changeait pas grand-chose. D’ailleurs, avec Millenium, on a plutôt bien réussi la Gamers Assembly 2016 (ndlr : l’équipe gagne la compétition en battant LDLC Blue en finale).

Ce qui était compliqué, c’était que c’était trop dur en termes d’organisation. Je travaillais toute la journée, le soir je rentrais chez moi quasiment en courant pour jouer à 19h et finir à 00h. Des fois, tu te prends la tête sur certains trucs aussi, donc tu débriefes jusqu’à 01h et puis tu vas te coucher, et il y a ta copine aussi... C’était juste pas tenable comme ça. Mais je suis malgré tout plutôt fier de ce cinq (HaRts, MAJ3R, SIXER, fxy0, fisheR) et de ce qu’on a fait avec Mille.

Quatre victoires (2008, 2009, 2014, 2016) sur deux jeux différents : HaRts est le roi de la Gamers Assembly

 

MAJ3R est devenu leader ensuite. Est-ce que lui aussi, tu sentais qu’un jour il ferait la transition vers ce poste ?

Oui, clairement, il a toujours été comme ça. Il a toujours eu un rôle de co-lead, il a joué avec les meilleurs, et différents leaders aussi. Un peu comme apEX, il a ce côté "intéressé par le lead". Avec l’expérience, c’est venu naturellement.

Valve est beaucoup plus présente sur CS:GO que sur 1.6 en termes de mises à jour. Est-ce que tu trouves que c’est le rôle des développeurs d’avoir un impact direct sur "comment CS est joué" ? Est-ce que ce n’est pas aux joueurs de gérer cet aspect ?

C’est une bonne question. Ce n’est pas facile d’y répondre parce que ça reste l’éditeur, mais qui n’est plus vraiment maître de son jeu à 100 % étant donné que c’est là depuis des années. En plus, CS reste une franchise qui est "encore plus vieille" que Valve, donc ça appartient presque à la communauté. Mais sur le timer par exemple, j’aime bien le côté où ils unifient les règles compétitives et les règles "normales", que tout le monde puisse avoir la même expérience (ndlr : le timer du round et de la bombe, auparavant différent chez les joueurs lambdas et les professionnels, a été uniformisé fin 2015). C’est intéressant pour comparer et se rendre compte d’un point de vue spectateur.

Après, depuis toujours, Valve prend ses décisions dans son coin. C’est toujours étonnant, surtout quand on voit ce que fait Riot par exemple, où il y a beaucoup de communication avec tout le monde. Mais pas Valve. Des fois, ils changent les règles comme ça, comme ce qu’ils ont fait avec les coachs, ça a surpris tout le monde. Je trouve que ce n’est pas forcément le truc le plus sain. Même si ça reste finalement eux les propriétaires, il y a une communauté. Un jour ou l’autre, si ça l’énerve trop, ils pourront peut-être se mordre les doigts si, à côté, la concurrence fait mieux.

Tu parlais de Valorant, tu y as beaucoup joué depuis qu’il est sorti ?

Oui, j’ai fait des qualifs et des First Strike, pas avec le plus gros succès, mais disons que j’ai joué contre les meilleurs, au moins en prac’, parfois en tournoi. J’ai vraiment adoré, je continue à y jouer. Tout n’est pas parfait mais ce vent de nouveauté, quand tu joues depuis vingt ans à CS, ça rafraîchit.

Tu as repris un rôle équivalent à celui d’un leader sur CS ?

C’est ça. La différence avec CS, c’est que l’aspect préparatif est extrêmement important sur Valorant, avec la combinaison de différents spells. Ça demande beaucoup de travail pour pouvoir vraiment faire une addition de sorts. Chaque habileté donne ça plus ça qui va donner tel ou tel espace... Tu peux vraiment mettre en place des jeux pour des joueurs ou des personnages avec des capacités particulières. Donc oui, j’ai repris ce rôle de leader, mais ça demande beaucoup de travail sur l’aspect préparatif.

Est-ce que c’est plus complexe que sur CS ou c’est juste différent ?

Il y a beaucoup de combinatoire possible, là où sur CS, tout le monde a finalement dix flashs, cinq smokes, la même chose. Sur Valorant, il y a beaucoup plus de combinaisons possibles avec les spells. Je dirais que Valorant est complexe, mais les deux ont leur complexité.

Tu regardes encore des matchs de CS aujourd’hui ?

Je regarde toujours, ça fait plaisir de voir Vitality être autant au top. Ils sont vraiment pas mal, ils sont capables d’avoir un skill brut incroyable. Ils sont tous vraiment très bons. Le fait qu’ils tournent à six, je trouve ça très malin, même si les règles vont changer. Ça a aussi fait du bien de voir de nouveaux joueurs comme misutaaa ou Nivera arriver et être chauds. Et puis il y a MaT (ndlr : assistant coach chez Vitality) !

Dans le jeu d’apEX, est-ce que tu sens qu’il y a des choses qui pourraient venir de toi, que tu faisais en match ou dont tu discutais avec lui il y a des années, et qu’il refait aujourd’hui ?

Non, ce serait très présomptueux de dire ça. apEX a bien évolué. Au final, je pense qu’il a maintenant bien plus d’expérience que moi en termes de compétition, surtout sur la scène professionnelle d’aujourd’hui où il y a tellement de matchs.

Dans tout ton panel stratégique, est-ce que tu avais une stratégie fétiche ?

Sur Nuke, on allait souvent exté, on courait beaucoup en bas. Même sur 1.6, on avait beaucoup de rapides, des fakes de rapides... C’est difficile à dire, est-ce qu’on avait vraiment des stratégies particulières ? Il y en a toujours qu’on aime bien ressortir. Souvent, pour casser le rythme, après les avoir habitués à jouer en défaut, tu fakes une défaut, alors que t’es par exemple en train de faire une déclic. C’est le genre de trucs que j’aimais bien.

J’ai aussi toujours trouvé qu’on était très forts pour aller chercher les joueurs qui étaient en train de save en CT, pour éviter qu’un mec save un sniper et fasse un -3 avec au round d’après, et qu’au final ils reviennent dans la game sur ça.

Est-ce que tu étais plus satisfait quand une stratégie d’équipe se passait à la perfection, ou quand tu rentrais un clutch purement individuel ?

En tant que leader, ça fait évidemment toujours ultra-plaisir quand tout se déroule bien et que la stratégie passe aux petits oignons. Mais je trouve aussi que les clutchs de CS ont une telle magie dans le jeu vidéo. Quand tu rentres des 1vs3, ou que t’en vois un, ça reste toujours épique, on l’a tous vécu. J’aime tellement ces clutchs. Ce n’est pas le même plaisir, il y en a un collectif et un individuel. Les deux sont très importants.

Est-ce que tu penses qu’aujourd’hui, tu pourrais jouer sans être leader ? Quand on a occupé ce poste pendant presque vingt ans, est-ce qu’on peut redevenir "soldat" ?

Je dirais qu’avec l’âge, on peut avoir tendance à préférer le co-lead. En fait, je pense même que ça m’a un peu manqué dans ma carrière. J’aurais eu à gagner d’être leadé, pour pouvoir aussi moi-même m’en inspirer. Aujourd’hui, je le fais toujours avec plaisir, mais si quelqu’un lead en mix, je peux me placer en tant que co-leader ou même juste écouter.

Si je dois revenir en compétitif, je pense qu’évidemment j’aurais besoin d’avoir confiance en mon leader, mais je pense que je serais capable de le faire. Et comme je disais tout à l’heure, quand tu joues moins, ton niveau individuel est impacté, et donc ton niveau de leadership aussi. Tu peux aussi lier ton leadership à des moves individuels que tu vas faire, qui vont te permettre de faire la différence et ensuite d’appuyer ton lead sur ça. En jouant moins, tu perds un peu ça, donc tu lead moins bien.

Cette interview, de même que celles d'Ex6TenZ, krL et bisou, a été utilisée
dans "Leader in-game, le podcast", à écouter ici.

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