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emuLate, à jamais les premiers

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Pour la seconde et dernière fois, nous vous proposons un extrait du livre Jouez sérieux : le phénomène eSport, dirigé par l'ancien joueur *aAa* Philippe "faculty" Rodier et sorti début novembre. Ce texte a été écrit par Nicolas "gOrdi" Loisel, rédacteur sur le site *aAa* pendant de nombreuses années, et revient sur le seul succès qu'ait connu la France en Major sur Counter-Strike 1.6, à savoir la victoire d'emuLate aux World Cyber Games 2007. Avant, pendant et après sont racontés avec les interventions du capitaine Michael "HaRts" Zanatta et de Mathieu "MaT" Leber.

Bonne lecture !

À jamais les premiers

Rouge-blanc-bleu. Un drapeau français à l'envers pour célébrer la première (et unique sur Counter-Strike 1.6) victoire française dans un tournoi majeur, l'image est évidemment rentrée dans la légende. L'équipe emuLate était pourtant tout sauf une blague. Ces cinq joueurs ont écrit les plus belles pages de CS 1.6 en France, et fait rêver des fans tricolores plutôt habitués à la frustration et aux performances en demi-teinte. Pourtant, à sa création, personne ne pensait qu'on tenait enfin la dreamteam hexagonale.

Un drapeau à l'envers, et une équipe rentrée dans l'histoire un soir d'octobre 2007 (HaRts - R!go - MaT - mSx - ioRek)

L'histoire commence lors de la Coupe de France 2006 en mai : l'étincelle est allumée par Michael "HaRts" Zanatta. Révélé avec Bizounours, HaRts s'impose comme l'un des meilleurs joueurs français lors de la Coupe du monde 2003, il est rapidement recruté par aAa, puis par goodgame, les deux mastodontes de l'époque. Mais il met sa carrière CS entre parenthèse pendant deux ans pour commencer des études de médecine. Malheureusement pour lui, et heureusement pour nous, il rate deux fois le concours d'entrée et il n'a qu'une idée en tête pour la saison 2006-2007 : remonter une équipe. "Le seul joueur avec qui j'étais sûr de vouloir travailler, c'était Mathieu « MaT » Leber. Je le trouvais très fort et j'avais aimé jouer avec lui chez aAa deux ans avant", se rappelle HaRts. Le capitaine va ensuite chercher deux vieilles connaissances : Mathieu "R!Go" Bridet, un joueur confirmé, et Jérémy "ioRek" Vuillermet, un jeune sniper. La dernière place se joue entre Benoît "MonsteR" Bridet, le frère jumeau de R!Go, et un presque inconnu de 18 ans ayant tapé dans l'oeil de HaRts et MaT : Mickael "mSx" Cassisi. HaRts détaille : "On a été rapidement conscient de notre potentiel, et que ça allait pouvoir fonctionner, mais pour le 5ème joueur, ça a vraiment clashé assez fort." Logiquement, R!Go veut absolument emmener son frère dans l'aventure, mais les trois autres penchent pour mSx : "J'étais vraiment désolé pour MonsteR, qui était un ami à moi, mais j'avais vraiment envie de faire un pari." HaRts ne le sait pas encore, mais il vient de toucher le jackpot.

En quête d'une structure pour les soutenir, les cinq hommes seront refusés par aAa, qui leur préférera les WebOne, récents champions de France. La formation va atterrir chez une toute nouvelle organisation appelée emuLate récemment créée par un nouveau venu sur la scène française : Ethan "S.D.L" Partouche. Le deal est simple : les déplacements et l'hébergement sont couverts... et c'est tout. De toute façon, aucun joueur de CS français n'est salarié à l'époque. Agés de 18 à 21 ans, les cinq joueurs d'emuLate sont alors tous étudiants. C’est déjà un bon début. Première sortie : les qualifications françaises pour les World Cyber Games 2006. "L'alchimie dans le jeu a été présente toute de suite", se remémore MaT. Pourtant l'entraînement avant la compétition se termine de la pire des manières : "La veille, le dernier match sur internet, on prend 16-0" rigole aujourd'hui le natif d'Amiens.

Victoire aux ESWC France 2007

Les emL rencontrent les grands favoris de aAa en demi-finale, le match sera ultra serré, mais une action d'éclat de HaRts, un ace en 2vs5 dans le money time de la deuxième carte, semble renverser toute la rencontre et emuLate l'emporte 2 maps à 1. La finale est gagnée face aux goodgame et la jeune formation représentera la France aux WCG 2006, le troisième tournoi majeur de l'année, en Italie à Monza. La machine est lancée.

Monza, Paris et Bilbao…

Lors de cette première saison 2006-2007, le même scénario se répètera : emuLate écrase tout le monde dans l'Hexagone (une seule défaite en LAN) et fait ses classes dans les tournois internationaux. Le premier sera donc les WCG 2006.

Tombés dans une poule très difficile avec les Pentagram de Neo et TaZ (en route vers leur première grande victoire) et les mibr de fnx et cogu, les Français ne passent pas la phase de poule. Quelques mois plus tard, deuxième sortie en Allemagne pour le Samsung European Championship 2007. Bilan ? Plusieurs victoires sur des équipes moyennes, une claque contre les Pentagram (et ce ne sera pas la dernière), et une défaite prometteuse en prolongations face aux excellents Finlandais de 69°N-28°E.

C'est à l'ESWC 2007 à Paris que les emuLate font véritablement vibrer le public français. D'abord, un match nul contre les fnatic de f0rest lors de la première phase de poules, alors dans le top 3 mondial. Et puis une superbe victoire sur les titans danois de NoA qui leur entrouvre les portes des quarts de finale, "même s'il y a eu désillusion après" rappelle MaT avant d'éclater de rire. Tous ceux qui ont vu le match suivant contre les Dignitas ont encore mal : alors qu'ils mènent sur le score de 14-3, les Français se liquéfient et s'inclinent au bout du cauchemar, éliminés devant leur public avant les quarts. Leur plus grande victoire et leur pire défaite en une journée, l'ascenseur émotionnel aurait brisé des équipes moins solides mentalement.

Pour emuLate, ce sera l'effet inverse. Deux semaines plus tard, ils sont à la GameGune en Espagne, et ils ne sont pas là pour les tapas. La bande à HaRts fait d'abord plier les deux meilleures équipes finlandaises avant de retrouver fnatic en finale du winner bracket. Face à l'une des trois meilleures équipes du monde, et face à f0rest, peut-être le meilleur joueur de tous les temps sur CS 1.6, mSx prend feu. "C'était son premier match phénoménal, là où il a montré un potentiel énorme en LAN et où il a roulé sur les meilleurs joueurs mondiaux" se souvient un HaRts admiratif. Lorsqu'il est recruté lors de l'été 2006, mSx est un joueur très prometteur, mais il ne sort pas du lot lors des premières sorties du groupe. On se souvient plutôt d'un R!Go monumental en tant que joueur de site B, d'un MaT ultra tranchant lors des ouvertures à l'AK47 en terro ou d'un ioRek redoutable à l'AWP. Mais peu à peu, mSx prend de l'expérience, de l'assurance, et il devient de plus en plus injouable, en France d'abord, et partout ensuite... Comme sur de_nuke contre fnatic à Bilbao lors de cette GameGune 2007. emuLate balaye les Suédois 16-8, et c'est en grande partie grâce au side CT XXL du wonderkid français.

Finalement les tricolores devront se contenter de la 3ème place : ils s'inclinent contre les Brésiliens de mibr en finale du winner bracket (12-16), et ils perdent la revanche contre fnatic en finale du loser bracket (12-16). Mais peu importe, emuLate vient de frapper un grand coup sur la scène mondiale avec ce premier podium, et ce n'est qu'un apéritif avant le plat principal.

Nuits blanches à Seattle

Trois mois plus tard, les deux Mathieu, les deux Michael/Mickael et Jérémy sont à Seattle pour les World Cyber Games 2007. C'est le troisième tournoi majeur de la bande, et malgré le superbe résultat de de la GameGune, l'ambiance est délétère au sein du groupe à la veille du tournoi : "Des praccs de merde, mSx et HaRts qui s'embrouillent, c'était vraiment une journée pourrie, on était nuls" raconte MaT. Pourtant les Bleus se sortent de la phase de poule en battant à nouveau les NoA (grâce à 35 frags de mSx…) et malgré une défaite surprenante contre les Kazakhs de k23.

 Le majeur de la discorde

Les WCG 2007 sont aussi rentrés dans l'histoire pour une controverse : le "duck-jump". Une partie des joueurs pros venaient de découvrir qu'en "bindant" le saut sur la molette de la souris, il était possible de courir presque sans faire de bruit, ce qui donnait évidemment un avantage énorme. Mais au milieu du tournoi, certaines équipes ont posé des réclamations auprès des arbitres, qui décident après une énorme confusion d'interdire le "duck-jump". Le match le plus impacté sera celui entre les Norvégiens de Meet Your Makers et les Coréens d'e-STRO. Les seconds gagnent une carte par forfait, puis la rencontre. Frustré par la défaite, Øyvind "KF3" Magnestad rentre dans la légende en lâchant 4 mots avant de quitter le serveur : "get cancer and die". Le trash-talk à la norvégienne.

Les choses sérieuses commencent en 8èmes de finale contre la Team Germany de roman et mooN. Mais le mix de luxe allemand ne peut rien faire face au jeu bien huilé des emL, et l'affaire est pliée en deux maps (16-7, 16-11). Les Français enchaînent avec e-STRO et le tarif est sensiblement le même : 16-12, 16-11. Les emL maîtrisent parfaitement leur sujet, le skill est présent, les stratégies sont en place, et mSx martyrise l’ensemble de ses adversaires.

mSx, une bête de skill était née

La demi-finale contre Amazing-Gaming sera bien plus serrée. Les surprenants Ukrainiens viennent de faire mordre la poussière aux excellents Roccat de lurppis et ils sont en pleine confiance. Parmi eux, un certain starix, qui fera partie des invincibles Natus Vincere 2010 avant de devenir le coach de cette structure sur CS:GO. On y trouve également B1ad3, futur capitaine de FlipSid3 Tactics sur CS:GO. A Seattle, les équipes s'échangent les deux premières cartes sur le plus petit des écarts (16-14, 14-16), mais la bataille tourne largement à l'avantage des emL sur de_nuke (16-4). Ils deviennent les premiers Français à atteindre la finale d'un tournoi majeur. "On avait déjà fait un super parcours, mais on ne voulait pas s'arrêter là et avoir les regrets ensuite" commente MaT. Les deux grands favoris de la compétition, fnatic et Pentagram, se sont faits sortir très vite, et c'est donc encore une fois les NoA que vont défier les emuLate. Autant dire, du pain béni pour HaRts : "Je n'ai jamais été fan de leur style de jeu. Ils ne prenaient pas assez de risque en CT, il y avait un manque d'agressivité. Donc je savais que j'allais avoir le temps de déployer mon jeu, de pouvoir les feinter, contrôler la map..." Mais le capitaine des emL n'est pas du genre à vendre la peau de l'ours (danois) avant de l'avoir tuée : "Je n'ai jamais été très optimiste, à dire « on va tout défoncer », je ne me suis jamais dit « c'est gagné »".

Le nouveau prince de la planète CS

Sur la scène, devant quelques centaines de spectateurs, et des milliers sur internet, le match débute sur de_inferno, la map des NoA. Les emuLate sont terros et ils perdent le pistol round. "J'ai toujours aimé faire un eco au deuxième round pour acheter AK47 au troisième round. Là, je ne sais pas pourquoi, je dis à tout le monde d'acheter des deagles." Il y a des jours où tout marche, et ce 7 octobre 2007, c'est le cas pour HaRts. Ses joueurs collent deux headshots instantanés sur le site B et le ton est donné, les emuLate mettent tout de suite leurs adversaires dos au mur avec une stratégie audacieuse. La suite du side terro sera du même acabit : HaRts lit parfaitement la défense danoise, mSx empile les frags comme Stephen Curry les paniers, tout le monde fait son job et les NoA s'écroulent progressivement malgré un round éco remporté. Le score est sans appel : 12-3 pour les emuLate, sur une map où le score moyen est plutôt de 8-7 ou 9-6. Les favoris effectuent un début de remontée en terro, en remportant le premier round, mais l'avance des Français est trop grande, et ils plient la première map après avoir connus quelques difficultés (16-11).

La finale se poursuit sur dust2, le choix des emL, et ils commencent terros, le side le plus avantageux. Les NoA sont dans les cordes après le choc de la défaite sur inferno, et les Français ne relâchent pas la pression. Prodigieux depuis le début de la compétition, mSx prend l'AWP pour aller défier le sniper adverse sur son terrain. MaT se souvient d'un duel de regards entre les deux stars, situés à quelques mètres l'un de l'autre : "Tout le long du match, il a beaucoup regardé hpx dans les yeux, et il le voyait dans le mal, mSx s'est régalé avec ça. C'était un combat psychologique, « Micka » aimait bien ça, et il a pris l'avantage." Le mind game, une arme absolue dans l’eSport. Finalement, les Danois ne trouvent aucune solution au jeu d'attaque des emL, à tel point que le leader Alexander "ave" Holdt décide de placer tous ses joueurs en défense d'un seul côté de la map sur un round. Pas de chance pour lui, HaRts décrypte parfaitement la situation et envoie ses hommes sur le bomb site laissé vide pour gagner un round gratuit. La première manche se termine sur le score de 11-4 pour les tricolores. La suite de la finale sera expéditive, les Danois s'empalent sur un rush B sur le pistol round, puis MaT donne la victoire aux siens avec un triple kill corniche et propulse le tag emuLate au Panthéon de Counter-Strike, avec un petit chèque de 55 000 dollars au passage : "Quand tu gagnes, tu es évidemment super content mais le match était tellement peu accroché sur la fin qu'on aurait pu ressentir plus de joie si ça avait été plus serré. Je me souviens du drapeau à l'envers, de l'explosion de joie, des interviews pitoyables qu'on a fait en anglais..." énumère HaRts, en capitaine comblé.

 mSx, un joueur hors-norme

Si le succès d'emuLate est évidemment collectif, mSx a sans conteste écrasé les WCG 2007. Dominateur avec toutes les armes et dans tous les secteurs du jeu, il a terminé la compétition avec des statistiques hallucinantes : 334 frags en 330 rounds, 83 de plus que son plus proche coéquipier, 102 points de dégâts par round en moyenne, alors que les autres emuLate ont tourné autour de 77... HLTV.org, le site de référence sur Counter-Strike, a établi un système de mesure pour évaluer la performance d'un joueur, le rating (comme l'évaluation au basketball) : un joueur avec un rating de 1.00 a fait un bon match. A titre de comparaison, les deux joueurs avec le meilleur rating de l'histoire lors d'un tournoi majeur sur Counter-Strike : Global Offensive sont le Polonais Snax et le Français apEX avec un rating de 1.38. Lors des WCG 2007, mSx a fini avec un rating de 1.41. Monumental. Il sera élu rookie de l'année par un panel international quelques mois plus tard.

Si ce sacre à Seattle est l'apothéose de cette équipe d'exception, elle ne s'arrête pas là. Il faut confirmer que ce n'était pas un coup de chance, et les emuLate iront accrocher deux autres podiums internationaux lors des 6 mois suivants. A la DreamHack Winter 2007, les Français balayent les stars suédoises de SK-Gaming en quart de finale du winner bracket avec un nouveau récital de la machine mSx (16-5), et éliminent encore une fois les NoA, mais avec le plus grand mal (23-18). Comme à la GameGune 6 mois auparavant, ils font face aux mibr de fnx en finale du winner bracket, et c'est une nouvelle défaite 16-8. En finale du loser bracket, les SK prennent leur revanche grâce au légendaire Abdisamad "SpawN" Mohamed (16-8). C'est une nouvelle médaille de bronze pour les Français, c’est toujours ça de pris.

Quelques mois plus tard, aux Samsung European Championship 2008 en Allemagne, même résultat final. Deux belles victoires sur les Finlandais de Roccat et les Allemands d'ALTERNATE solidifient la place des emL dans le top 5 mondial, mais ils s'inclinent deux fois sur le même score face à leur Nemesis : les Polonais, désormais chez la structure Meet Your Makers. HaRts n'a toujours pas trouvé la clé contre le mythique "Golden Five", mais il aura encore une chance...

Tout n'est pas rose au royaume d’emuLate

Les résultats sont toujours aussi remarquables, emuLate vient de finir sur le podium quatre gros tournois de suite et les joueurs ont empoché environ 16 000 dollars de dotations chacun en un an, mais deux problèmes cruciaux prennent de plus en plus d'importance : leur structure, et la relation entre HaRts et mSx.

Malgré le succès de son équipe CS, emuLate et son controversé patron Ethan "S.D.L." Partouche ont du mal à attirer de gros sponsors, il y aura bien "McPoker", qui devait permettre aux joueurs de devenir salariés, mais le site de poker en ligne ne restera pas longtemps et les caisses de la structure restent vides. Conséquence directe : l'équipe ne peut pas participer à tous les tournois. A cette époque, les structures doivent payer le déplacement et l'hébergement des joueurs, et les coûts sont souvent trop élevés pour emuLate. Alors qu'ils pouvaient participer à des tournois à Moscou, Los Angeles, Montréal et Dubaï, MaT et ses potes restent à la maison et regardent les matchs sur internet alors que leurs concurrents progressent à chaque événement. "On a manqué d'encadrement, on aurait pu faire beaucoup plus de tournois, on aurait pu accrocher, peut-être pas une deuxième victoire, mais on était souvent dans le top 3, on aurait pu faire aussi bien" regrette MaT dix ans après.

Un tag ayant bien voyagé... mais qui aurait encore plus pu le faire

Mais le gros point de friction est interne entre le cerveau et le prodige de l'équipe. 10 ans plus tard, HaRts s'explique : "Il y a eu beaucoup de critiques de la part de mSx sur ma motivation lors des entraînements. J'étais à 200% lors des tournois en LAN, mais sur internet, je pouvais être à 20%, ça demande trop d'énergie d'être à fond tout le temps." MaT, qui a eu un rôle de tampon crucial entre ses deux coéquipiers, précise : "ils étaient butés tous les deux, donc ça faisait des étincelles parfois... Et HaRts ne s'entraînait pas individuellement, comme on pouvait l'espérer pour un joueur de ce niveau-là. On attendait plus de lui." Clairement, le capitaine passe un peu trop de temps sur DotA, le nouveau jeu à la mode (et qui deviendra quelques années plus tard l'un des jeux majeurs de l'eSport), et ça passe difficilement pour ses coéquipiers, surtout mSx.

Notamment grâce aux talents de diplomate de MaT, le groupe n'implose pas, mais invincibles en France depuis plus d'un an, les emL commencent à perdre des cartes ici et là. Et le prochain gros tournoi international est décevant : à Paris devant leur public lors des ESWC Masters 2008, emuLate prend deux claques contre SK-Gaming (23-7) et Roccat (16-3) et sort dès les quarts de finale.

Le cauchemar de San José

Cependant, la motivation revient pour l'ESWC 2008 fin août. Organisé dans l'Hexagone depuis 2003, cet événement a une signification particulière pour les Français, qui n'ont d'ailleurs jamais fait mieux que 4èmes sur CS (goodgame en 2003). Cette édition 2008 se tient pour la première fois à l'étranger, à San José en Californie, il y a 40 000 dollars à gagner, c'est le 4ème tournoi majeur des emuLate et ils veulent se racheter de la déception de 2007. L'excitation est maximale : "On avait un goût d'inachevé par rapport à 2007, l'impression d'avoir un peu gâché la sortie de poule contre Dignitas" rappelle MaT. Exceptionnellement, l'équipe fait un bootcamp pour se préparer, mais c'est encore une fois presque contre-productif : "Nouvelle dispute mSx-HaRts, j'en claque ma souris, je l'explose. Je la remboîte, mais il y a un bout de plastique arraché qui fait que ma souris accroche sur mon tapis. A cause ça, j'ai été à la ramasse tout le tournoi." Les aléas du gaming sous pression. Mais comme toujours avec ce groupe de joueurs, une fois la compétition commencée, les tensions s'effacent, et CS reprend ses droits. La première phase de poules est franchie avec une victoire sur les Américains d'Evil Geniuses (16-13) et une défaite face aux Finlandais de Roccat (13-16). La deuxième phase de poules commence mal, les emL s'inclinent face aux ALTERNATE (11-16), mais ils corrigent les pro100 de Zeus et Edward, les futurs NaVi (16-6) pour s'offrir un match décisif.

Comme un an auparavant, le destin place Dignitas sur la route des emuLate. "On appréhendait un peu. On fait encore une super manche CT sur inferno, on gagne 12-3, mais c'était aussi le cas l'année dernière. Moi j'avais presque plus peur que contre pro100, mais mSx fait un 1vs3 dès le début, et c'était plié", racontait ioRek au micro de team-aAa.com juste après le match. emuLate accède ainsi aux quarts de finale de l'ESWC, ce qu'aucune équipe française n'avait réussi depuis trois ans. Face à eux, leur bête noire, les Polonais de Meet Your Makers, tenants du titre. La rencontre commence parfaitement, les Bleus ont retrouvé leur jeu au meilleur moment, et ils écrasent les MYM sur dust2 (16-4), alors qu'ils ne leur avaient jamais pris la moindre map en LAN. La deuxième carte est train, les emL sont terros, normalement le side le plus difficile à jouer. Le Golden Five s'est réveillé, et c'est beaucoup plus disputé, mais la manche tourne à l'avantage des Français (8-7). Les emL abordent la manche CT en confiance, en plus ils remportent le pistol round CT : ils sont sur la voie express vers les demi-finales.

Ils ne s'en sont pas encore rendus compte, mais la belle histoire va prendre un tournant "rocambolesque" selon MaT. Pendant la manche terro, HaRts a activé la pause par mégarde, interrompant le jeu pendant quelques instants en plein rush. Les emL n'y prêtent pas attention, mais de leur côté, les Polonais portent réclamation auprès des arbitres, français d'ailleurs. Alors que le match se poursuit, la sanction tombe : deux rounds de pénalité pour emuLate. Ce cas de pause impromptu étant rarissime, les joueurs ne comprennent pas pourquoi ils sont sanctionnés et à quoi correspondent les deux rounds de pénalité reçus, mais les arbitres refusent de mettre le match en pause pour leur expliquer... Juste après le match, HaRts racontait son calvaire : "On était complètement paniqués, on ne savait pas combien de rounds on devait mettre, je ne sais même pas comment on a fait pour mettre 6 rounds."


Une pause malencontreuse, des admins qui tentent de résoudre le problème et des Polonais pas très contents

Juste à la fin de la map, les joueurs peuvent enfin s'expliquer avec les arbitres et la discussion sera longue et agitée. Le site SK-Gaming.com, le plus gros de la planète CS en 2008, titre "The French against the French". Terrible. Mais les arbitres ne changeront pas d'avis : le score final est de 16-14, ramené à 16-12 pour MYM. Ecœurés par cette décision, sortis de leur match, les emuLate coulent sur la troisième map (16-1) et sont éliminés en quarts de finale. Le Golden Five remportera son deuxième majeur, emuLate n'en jouera pas d'autres. Regrets éternels.

Le début de la fin

Pour autant, ce n'est pas ce tournoi qui fait imploser la formation comme le détaille MaT : "On se dit que c'est une injustice, on s'est quand même fait rouler dans l'histoire". Ce seront les qualifications françaises pour les WCG 2008, deux ans après leur permier tournoi et leur victoire lors de l'édition 2006. "La rupture, c'est les WCG France qui suivent. Tout le monde a lâché, on a plus cette sensation de pouvoir dominer collectivement. Il y a trop de dissensions et trop de soucis dans la structure. Le style de HaRts arrive peut-être à bout de souffle aussi..." soupire MaT aujourd'hui. "On arrive sans entraînement, on pense s'en sortir une fois de plus... c'est l'équipe de France de football 2002. On perd Zidane ! On perd mSx, il n'est pas dedans, personne n'est dedans."

La déroute est totale : les emuLate ne passent même pas les poules, éliminés par Ubiteam et aAa, deux équipes qu'ils avaient l'habitude d'atomiser. HaRts ne cache pas la désillusion vécue à ce moment : "Sachant qu'on était les tenants du titre des WCG, perdre lors des qualifications françaises, ça fait mal. Et après mSx décide de partir. Pour moi, c'est à ce moment là où ça casse."

Frustré par sa relation dans le jeu avec son leader et par l'amateurisme de la structure emuLate, le diamant de l'équipe s'en va. Il part créer une équipe avec des amis, EssentiaL. "Une semaine après, il a regretté, mais il n'a pas voulu revenir tout de suite" souligne HaRts. Le projet de mSx ne décolle pas alors que ses quatre anciens coéquipiers attendent patiemment son retour. Trois mois plus tard, début 2009, il rentre à la maison. Mais cette deuxième ère ne sera qu'une pâle copie de la première. Les Français continuent de gagner en France, mais ils sont de plus en plus secoués par les jeunes Millenium de SIXER et MAJ3R. Internationalement, la magie semble avoir disparu : lors des IEM Europe 2009, sans être ridicules, ils finissent derniers de leur poule avec une seule victoire. Au KODE5 à Moscou, deux mois plus tard, ils s'inclinent logiquement contre les fnatic de f0rest et GeT_RiGhT (alors la meilleure équipe du monde) en quarts de finale.

En juillet 2009, les cinq joueurs se décident finalement à changer de structure après des mois de spéculation. Ils vont chez oXmoze, une organisation française sans énormément de moyens, mais un petit bonus mensuel de 100 euros convainc les joueurs. Ils ne feront qu'un seul tournoi international sous ce nouveau nom : la GameGune 2009, là où ils avaient imprimé leur marque sur la scène mondiale deux ans avant en étrillant fnatic sur nuke et en montant sur le podium. Cette fois, ce sera bien moins glorieux : une belle victoire sur les solides ALTERNATE, mais deux défaites contre les modestes Polonais de DELTA et les imprévisibles Russes de Virtus.pro mettent fin à leur tournoi sur un anonyme top 12.

Le dernier tournoi de ce cinq sera la qualification française pour les WCG 2009, organisés en Chine. Ils ne s'inclinent même pas contre les vainqueurs, mais échouent en demi-finale, battus en prolongations par les jeunes Esport-Eu, futurs *aAa*. La mayonnaise a tourné depuis déjà longtemps, et quelques semaines plus tard, HaRts et ioRek sont renvoyés de l'équipe. La fin d'une époque.

Trois années (presque) ininterrompues avec le même groupe de cinq joueurs, c'est une anomalie sur Counter-Strike, un modèle de longévité rarement atteint, et c'est encore vrai en 2017. Mais si ça n'avait tenu qu'à lui, HaRts aurait continué l'épopée : "Est-ce que ça valait le coup de se séparer ? Quand tu regardes aujourd'hui Virtus.pro... Tu regardes les variations de niveau qu'ils ont eu, de meilleure équipe du monde à des périodes de galère, sur 1.6 et sur CS:GO. Quand tu as une équipe qui est capable d'aller chercher des gros titres, il faut peut-être accepter, surtout quand tu n'es pas pro, de parfois faire des contre-performances. C'était peut-être possible de revenir un peu plus forts". La sagesse du capitaine.

Malgré tout, les cinq hommes ont failli faire un comeback ensemble, un an plus tard chez Millenium. Mais un seul refusera la tournée d'adieu, MaT, convaincu que les problèmes entre HaRts et mSx ressurgiraient très vite (et il aura raison). Il acceptera quand même de coacher ses anciens coéquipiers lors d'un tournoi, les qualifications françaises pour les WCG 2010. Défaite en finale contre les FACE2FACE de SIXER et MAJ3R. Le rêve de gagner les billets pour Los Angeles s'envole et le coach d'un jour réalise que cette défaite est synonyme d'adieux : "Ils ne l'ont pas vu et je ne leur ai pas dit, je leur dis au revoir rapidement, je rentre chez moi immédiatement, et j'étais en larmes tout le voyage. C'était vraiment la fin d'un chapitre." Malheureusement, on le sait, toutes les belles histoires finissent mal, en général…

Palmarès de cette line-up

WCG France 2006
Showlan 2006
NeXeN 2007
Coupe de France 2007
GameGune 2007
WCG France 2007
WCG 2007
Digitalsace
DreamHack Winter 2007
SEC 2008
KODE5.de
Gamers Assembly 2008
EPS France V
Coupe de France 2008
Silver Arena 5
KODE5.fr
Gamers-Assembly 2009

Vous pouvez vous procurer le livre ici, ou bien en lire un autre extrait . Merci à Elnum pour avoir réalisé la bannière de cet article, et évidemment à gOrdi et faculty de nous avoir transmis ce texte !

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