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Enfin, les États-Unis peuvent sourire
Ils la tiennent, leur victoire. Plus de quatre années de compétition sur CS:GO, et jamais la bannière étoilée n'avait flotté au-dessus d'une prestigieuse première place. Cloud9 a mis fin à tant d'attente en remportant la quatrième saison de l'ESL Pro League dans un silence presque religieux tant le public brésilien espérait une victoire de son équipe, celle que tout le monde donnait favorite, SK Gaming. Mais pour une fois, l'aigle américain a survolé la forêt brésilienne afin d'aller agripper, enfin, un illustre succès.
Nombre de prétendants, aucun élu
Beaucoup auraient sans doute parié sur Team Liquid s'il avait fallu deviner quelle écurie américaine triompherait en premier. Perdu. L'ombre de s1mple plane encore, bien trop présente pour que l'équipe d'Hiko parvienne à s'en détacher pour le moment. Avec le joueur ukrainien, elle a pourtant touché le graal du bout des doigts deux fois, à Colombus en début d'année et puis à Cologne, cet été. Deux échecs remplis de regrets, le premier à cause de quinze rounds de maps laissés en route en demi-finale, le second dû à cette finale qui n'a jamais été ne serait-ce qu'un peu disputée. Et à chaque fois, le même bourreau : le Brésil. Luminosity puis SK Gaming. FalleN et ses hommes. Liquid a laissé passer sa, ses chances, et il n'est pas sûr qu'elle retrouve un jour un tel niveau de compétitivité.
Certains auraient peut-être préféré miser sur iBUYPOWER. Avant d'être le symbole d'une regrettable dérive que l'on nomme matchs truqués, ce tag était surtout l'espoir numéro 1 outre-Atlantique. Après tout, c'est bien lui qui a donné aux États-Unis ses premiers succès, aux finales ESEA 15 puis 16. C'est bien lui qui a fait trembler l'Europe une première fois, en Italie, aux finales FACEIT League 2, s'incrustant au milieu du duel LDLC - fnatic en terrassant les Français en demi-finale après une prolongation asphyxiante conclue 31-27. C'est bien lui qui à l'époque comptait dans ses rangs DaZeD, le meilleur leader nord-américain ainsi que swag, l'étoile montante. Mais tout ce beau monde s'est fait balayer du revers de la main par Valve un jour de janvier 2015.
Certes, iBUYPOWER a eu comme prédécesseur puis concurrent compLexity. Mais l'ancienne formation de sgares, n0thing et Hiko avait bien du mal à s'exporter, et en dehors de sa demi-finale à la DH Winter 2013, résultat longtemps resté référence de la scène NA, il y avait bien peu de performances à se mettre sous la dent hors-Amérique. On pourra aussi évoquer CLG et plus récemment OpTic ou TSM, mais aucune des trois n'a véritablement marqué les esprits. Pour le moment… Ou définitivement. L'avenir nous le dira.
Le salut est donc venu de Cloud9. Est-ce étonnant ? Oui et non. Oui, parce que la formation bleu ciel nous avait habitués à beaucoup décevoir. Non, parce que depuis plus de deux ans qu'elle existe sur la scène CS, elle a des périodes de fulgurance. Et si elle n'avait encore rien gagné de conséquent, ce n'était sans doute qu'une question de mois avant que cela n'arrive. Le temps de trouver la bonne alchimie, le cinq adéquat.
De nombreux joueurs ont défilé dans la structure au fil des compétitions. Seuls n0thing et shroud sont restés fidèles au navire en toutes circonstances. L'amour du maillot ? Sûrement un peu. L'amour des billets ? Aussi, le premier avouant que le passage de compLexity à C9 en août 2014 s'était majoritairement fait pour raisons financières. Et l'organisation a dû s'armer de patience pour enfin voir son investissement rentabilisé.
Deux ans et demi de hauts et de (très) bas
En effet, toute la fin d'année 2014, et même le début 2015, est à jeter. Des défaites à la pelle, des sorties en poules à l'ESWC, à la DH Winter et à Katowice, un Hiko qui part, un ShahZaM qui arrive mais qui a plus de magie dans son pseudo que dans ses coups de sniper, bref, rien n'est vraiment positif. Sauf que le malheur des uns fait le bonheur des autres et les déboires d'iBP vont amener C9 à recruter Skadoodle, seul rescapé de cet immense gâchis. En arrivant avec fREAKAZOiD, il va redonner espoir à tout un continent. Le temps d'un été fou.
Pendant deux mois, sgares aura surclassé tactiquement toute la scène
À la surprise générale, boostée par ses deux arrivées et grâce à un sgares majestueux au lead, la formation américaine va se donner le droit de rêver. Trois finales atteintes, dont deux en Europe, à Cologne pour les finales de la première saison d'ESL ESEA Pro League, puis à Valence, pour les finales FACEIT Stage 2, auxquelles s'ajoute celle de l'ESWC à Montréal. Autant d'échecs. Tant pis, l'occasion d'espérer mieux dans le futur est belle, et même immédiate : de retour sur sa scène nationale, Cloud9 triomphe à l'iBUYPOWER Cup puis aux RGN Series. Facile. Trop facile même.
Le haut niveau international est un peu plus relevé, et une élimination au premier tour des IEM San José va durement venir le rappeler. sgares est lassé de ce cinq qui gagne chez lui mais jamais ailleurs, de ces coéquipiers qui passent plus de temps à streamer qu'à réellement s'entraîner. Il s'en va et laisse son ex-équipe en bas d'une énorme montagne à gravir : celle de la vie sans leader-in-game. Il lui faudra presque un an pour remonter la pente.
Un quasi-inconnu du nom de Stewie2k arrive dans la line-up, qui d'un coup ne fait plus rêver personne. Cloud9 se fait humilier chez elle, lors de la MLG Colombus, pour le premier Major de l'histoire sur les terres américaines, laissant Liquid et CLG se faire acclamer par la foule. Douze rounds inscrits en deux maps face à Na'Vi puis G2, ce sera tout ce qu'elle sera capable de s'offrir. fREAKAZOiD s'en va à son tour, Slemmy débarque pour le remplacer. Un autre pseudo qui laisse dubitatif. Et qui ne va pas rassurer : peut-être que le nouveau venu sait mener une équipe, que le jeu des Américains redevient peu à peu structuré, mais les résultats ne sont toujours pas là. Dépassés par la Team Liquid d'un Hiko revanchard, humiliés à la DH Austin par une finale 100 % brésilienne sur le sol américain, le fond est atteint à la qualification pour l'ESL One Cologne, où la formation échoue.
Cloud9 ne peut plus perdre en Major, elle n'a même pas l'occasion de s'y rendre. La goutte de trop pour Slemmy qui préfère partir de lui-même. Un mois plus tard, autimatic, espoir de chez TSM, prend sa place. Encore une fois, les commentaires sont peu encourageants, tout le monde reste sceptique. Mais un an après un été 2015 de toute beauté, le schéma va se répéter. Et C9 va, une nouvelle fois, aller tutoyer les sommets.
Bienvenue dans la cour des gagnants
Stewie2k - autimatic, un pari surprenant... mais payant |
Est-ce l'arrivée d'autimatic, qui va se révéler bien plus fort que prévu, qui va tout débloquer ? Est-ce la montée en puissance de Stewie2k, qui s'affirme de plus en plus, qui va permettre cette ascension ? Est-ce l'inconstance de shroud, Skadoodle et n0thing qui va, pour une fois, rester en veilleuse ? Sans doute un peu des trois.
Quoiqu'il en soit, tout commence à Toronto, début septembre, avec une deuxième place à la Northern Arena. Le plateau n'était pas très relevé, mais il l'est beaucoup plus à la SL i-League puis à la DH Bucarest : deux événements européens où l'équipe nord-américaine va glâner un top 3/4 et une nouvelle médaille d'argent.
Sans faire de bruit, Cloud9 monte pas à pas les échelons, se montrant de nouveau intraitable sur sa scène nationale comme l'atteste cet impressionnant 25-1 réalisé en saison régulière de l'ESL Pro League S4. Une seule défaite en 26 matchs, qui plus est contre… Echo Fox, la nouvelle équipe de sgares. À charge de revanche.
Autant d'éléments qui mettent n0thing & Co en confiance en arrivant au Brésil. Il y a du niveau : SK Gaming évidemment, grandissime favori à domicile, mais aussi dignitas, vainqueur d'un événement à un demi-million de dollars la semaine précédente, NiP, EnVyUs… Bref, du lourd. Mais ce n'est pas grave. Cloud9 est dans la "zone", le "flow". Rien ne peut lui arriver. Même dans la poule la plus compliquée, elle s'en sort. Le tirage qui suit lui est favorable et OpTic puis mouz sont tranquillement écartés. Ne reste que SK.
La marche semble trop haute ? Elle ne l'est pas. Impeccables sur le serveur, c'est pourtant mentalement que les cinq Américains vont impressionner : malgré un énorme comeback encaissé sur la première carte, de 13-2 à 17-19, ils ne s'affolent pas et, là où tant se seraient effondrés, continuent d'appliquer froidement leur plan de jeu. Leur side terroriste, si souvent décrié par le passé, est extrêmement propre. Neuf rounds sur Mirage, treize sur Dust2. Largement suffisant pour faire taire un public qui s'attendait à tout sauf à ça. Perdre à domicile contre une équipe américaine… Y a-t-il plus mauvais rêve ?
Finalement, c'est un travail de près de trente mois qui se voit enfin concrétiser aujourd'hui pour Cloud9. Et pour la scène nord-américaine, de plus de… dix ans, soit le temps écoulé depuis la dernière victoire majeure d'une équipe des États-Unis sur Counter-Strike (compLexity aux WSVG Intel Summer Challenge, en 2006). À peu de choses près, c'est aussi la durée de la carrière de n0thing, qui accroche enfin à son palmarès un trophée international "qui a d'la gueule". En espérant pour lui et son pays qu'il ne faille pas attendre une autre décennie avant que cela ne se reproduise.