Scoreboard |
Forum |
Parole d'anciens - gOrdi & lepolac (2ème partie)
Suite de notre entrevue avec gOrdi et lepolac. Après avoir surtout évoqué les années 2000, place maintenant au présent avec CS:GO, sa place dans l'esport et l'avenir de celui-ci.
gOrdi : Franchement oui, et si ce n'est pas CS, ce sera un autre jeu. Je ne compte pas arrêter de regarder du football en vieillissant et pour moi c'est exactement la même chose. L'esport se démocratise un peu plus chaque année, et dans 10 ans je suis certain que dans certaines familles on regardera un match de CS, de LoL ou de Dota de temps en temps. C'est sûr que ça va arriver, la question est de savoir dans quelle proportion. Est-ce que l'esport va devenir un phénomène de société comme l'est le football ou restera une niche ? lepolac : Je le souhaite oui, cependant l'acquisition d'un tel statut ne se fera pas sans concessions. Je suis assez fan du côté famille, j'ai toujours adoré voir des parents partager la passion de leur enfants, les emmener en événement, les supporter s'ils sont joueurs de haut niveau. Le côté intergénérationnel est je pense l’un des plus grand obstacles qui restent, et ce ne sont pas les récentes interventions malheureuses de certains people français qui vont me contredire.
Lors de l'âge d'or de CS, on a très régulièrement vu une équipe dominer largement les autres pendant une période (NiP, Na'Vi, fnatic,...). Si on a vu le même phénomène se produire sur CSGO la première année avec l'archi domination de NiP, cette époque semble finalement révolue, avec une poignée de top teams ayant toutes des chances importantes de dérocher un titre majeur. Selon vous, est ce signe de bonne santé pour la scène ? Ou au contraire un signe que le skill ceiling de CSGO serait trop faible pour suffisamment discriminer les top teams ? gOrdi : C'est évidemment un signe de bonne santé, ça montre que la compétition est relevée. En plus l'ultra domination d'une équipe ou d'un joueur dans n'importe quelle compétition, c'est mauvais pour le suspense, ça ennuie tout le monde au bout d'un certain temps. Le problème du "skill ceiling' n'est pas forcément lié à ça, actuellement les équipes sont encore en phase d'apprentissage du jeu, je pense qu'il reste des choses à découvrir, d'autant plus qu'il y a beaucoup de nouvelles maps. En fait je me demande si le "skill ceiling" n'est pas un faux problème sur CS, il y a tellement d'autres paramètres à prendre en compte lors d'un match (communication, teamplay, préparation, mental), que les meilleurs trouveront toujours le petit truc en plus dans l'un des ces domaines pour faire la différence. lepolac : Je pense qu'on atteint les limites au niveau du skill pur individuel, et ne suis pas encore entièrement persuadé que le jeu possède assez de profondeur stratégique pour départager de manière reproductible les équipes du top niveau. L'éditeur peut stimuler la compétition en changeant la balance du jeu. C'est relativement nouveau comme approche dans les FPS, mais c'est le cas depuis des années dans les RTS. Starcraft 2 aurait-il été aussi intéressant sans ces stimulations extérieures ? J'en doute. Après une période difficile, l'esport explose avec (enfin ?) le support direct des éditeurs. Qui peut prendre des formes très diverses, avec aux deux extrêmes le cas RIOT sur League of Legends qui, via son circuit des LCS, contrôle de A à Z la compétition à très haut niveau, avec le succès qu'on lui connait. Et de l'autre coté Valve, qui, en plus des évolutions du jeu, se "contente" de distribuer quelques chèques par an. En temps qu'ancien hommes de l'ombre (le point de vue d'un joueur pourrait être différent), quel modèle a votre préférence ? gOrdi : Selon moi, le modèle de Valve est celui qui est le plus bénéfique pour tout le monde et ça semble assez clair vu comment la communauté LoL passe son temps à se plaindre de Riot. Je ne suis pratiquement pas ce jeu, mais de ce que je lis, Riot fait office de fédération toute puissante, sans aucun contre pouvoir. Pour le moment le succès est au rendez-vous, les joueurs dans le système LCS sont bien payés, mais c'est un peu trop verrouillé (à tous les niveaux) à mon goût. Je préfère l'approche de Valve. En gros cet éditeur donnent des outils à la communauté, ce qui lui permet de grandir par elle-même, de créer des choses. J'ai l'impression que cette manière de faire permet à un plus grand nombre de joueurs/casteurs/orgas de "vivre" de l'esport, alors que l'approche de Riot donne tout à une petite minorité (en gros tu fais partie des LCS ou t'es rien du tout), le partage des revenus me paraît moins réel. lepolac : Le fait que les éditeurs fassent des efforts dans ce sens n'est pas du mécénat, et la communauté en subit donc les travers. Que les titres soient améliorés et mis à jour régulièrement est une bonne chose. La prise de contrôle qui va avec, moins. Je pense qu'ils devraient se concentrer sur comment développer des titres offrant les meilleurs supports possible pour permettre la compétition, mais pas sur le cadre sportif pur ou l'événementiel. Chacun son métier. Mais tout le monde veut une part du gâteau et je comprends le désir irrépressible de contrôle sur leur marques respectives. Les finales LoL 2014 au Stade de Séoul. Il faut reconnaitre une certaine efficacité au modèle imposé par RIOT (crédit photo: LoLEsport) Vous avez officié à une époque où la plupart des acteurs étaient uniquement des passionnés, motivés par le jeu et se faire rembourser de ses frais en LAN était peu ou prou l'unique apport des différentes structures. Avec le recul, comment voyez vous l'époque actuelle et ses moyens comparativement démesurés ? Regrettez vous ce "bon vieux temps", le "système D" qui allait avec et l'ambiance d'alors, ou acceptez vous la "professionnalisation" du secteur, avec forcément l'importance de l'argent, et des dérives qui vont avec ? gOrdi : Forcément je suis un peu nostalgique des années 2000, le début d'une aventure, c'est toujours le plus excitant à vivre. Et puis c'est le moment où j'étais vraiment dedans, donc logiquement c'est celui que je préfère. Après, je n'aime pas être passéiste, la professionnalisation de l'esport permet à de plus en plus de personnes d'en vivre, ce qui est quand même génial. Combien de joueurs, de rédacteurs, d'orgas ont dû quitter ce milieu, car à un moment il faut bien gagner un peu d'argent ? Au moins, maintenant c'est possible pour certains, donc pour moi c'est un plus. Et les dérives dont tu parles existaient déjà à l'époque, les CPL étaient des tournois excellents à suivre, mais beaucoup de joueurs n'ont jamais été payé, le big boss Angel Munoz était loin d'être un philanthrope. Il faut avoir la mémoire courte pour penser que les premières années de l'esport, c'était le paradis. Mais bon, c'est le principe de la nostalgie, on ne garde que les bons souvenirs. lepolac : Comme dit plus haut, j'aurais bien aimé voir lepolac de 2007 maintenant :) La professionnalisation a ses bons et mauvais côtés, il y'a beaucoup de nostalgie chez les anciens, mais de manière générale je suis assez content de voir que les grands staffs d'aujourd'hui et leurs "stars" entretiennent toujours une ambiance bon enfant en interne, même si les enjeux ont décuplé et que le sérieux est de mise en façade. Mais je pense aussi qu’il ne faut pas tomber dans un travers de croissance à tout prix. Malgré l'âge de CS, on a parfois l'impression que la scène se structure très peu et que les même erreurs se répètent : manque d'harmonisation des règlements/mappools, qualifications online pour un major à 250k, scandales liés aux paris, au cheat etc... Pensez vous que la scène finira par apprendre de ses erreurs ? Par se "structurer" ? Le mot "fédération" vient souvent rapidement à l'esprit pour répondre à ce type de problèmes, pensez vous que ça finira par venir ? Est-ce souhaitable ? gOrdi : Pour qu'il y ait harmonisation, il y a 2 solutions. La première, c'est la création d'une fédération. Sauf que c'est pratiquement impossible. J'avais d'ailleurs écouté un panel de la DreamHack avec Grubby, des mecs de l'ESL, Thorin, et quelques autres, qui en discutaient, et personne n'était d'accord sur rien. Les intérêts des joueurs, des orgas, des équipes et des éditeurs sont trop différents, personne n'est assez impartial pour avoir autorité sur tout le monde. La deuxième solution, c'est l'éditeur qui prend le contrôle comme l'a fait Riot. Au final les éditeurs sont les propriétaires de leur jeu vidéo, et donc s'ils en ont envie, ils peuvent tout régir, et c'est ce qu'a fait Riot. Et c'est loin d'être le rêve, d'ailleurs quand Valve impose deux nouvelles maps à 1 mois d'un majeur, ça ne plaît à personne. Idéalement, il faudrait une fédération pour chaque jeu, qui pose des règles uniques, établit un map pool, etc. Mais dans la pratique ça n'arrivera jamais, et donc ça va rester un beau bordel. Et pas forcément que chez VaKarM ;) Pour finir sur une note plus légère, une petite anecdote amusante à nous livrer ? Et un top 3 pour l'ESWC (NDLR: pronostics effectués avant les finales Face It) ? lepolac : Pour le plaisir je vais en donner deux. Merci à tous les deux, je vous laisse le mot de la fin. lepolac : Merci beaucoup pour l'interview, au passage bravo à VaKarM pour le travail effectué ces derniers temps. Coucou à tous ceux avec qui j'ai pu travailler et qui ont su supporter mon style assez directif :) |
gOrdi : @nicoloisel
lepolac : @lepolac
QUI ?