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Le long voyage de cadiaN

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C'est finalement un parcours relativement classique qu'aurait pu connaître Casper "cadiaN" Møller : celui d'un espoir qui ne perce jamais vraiment, d'un jeune talentueux qui peine à confirmer au plus haut niveau, d'un futur grand qui reste assez petit. Il y en a eu avant lui, il y en aura après lui, ainsi en est-il sur une scène compétitive où la concurrence est féroce et où l'ascenseur peut longtemps rester bloqué entre deux étages.

Bien qu'elle ne soit en rien honteuse, cette voie-là n'a pas été privilégiée par cadiaN. Il a préféré emprunter d'autres chemins, un peu biscornus, souvent assez obscurs, où la destination finale n'est pas toujours sûre. Mais étonnamment, alors qu'on aurait logiquement pu le penser perdu plusieurs fois, cadiaN a toujours su s'extraire des broussailles pour retomber sur un autre sentier. Le dernier en date, obstrué en son centre par une pandémie mondiale qui a délocalisé tout l'écosystème Counter-Strike en ligne, l'a mené à son plus beau trophée, l'ESL One Cologne. Il n'a certes pas la même saveur qu'une victoire dans la Lanxess Arena, mais combien de kilomètres parcourus tout de même pour en arriver là !

cadiaN aurait pu, aurait dû s'écrouler au bord de la route un paquet de fois. Au fil des années, celui qui est devenu un vétéran de la scène danoise n'a pas toujours tenu sa boussole dans le bon sens. Depuis sa révélation en 2013 avec les Scandinaves de Xapso, qualifiés surprises du premier Major de l'histoire à la DH Winter, le sniper devenu ensuite leader s'est parfois emmêlé les pinceaux, tant dans ses choix de carrière que dans son niveau individuel.

Quitter mousesports à peine trois mois après y avoir été recruté début 2014, pour aller s'embourber dans des projets danois chez Tricked, Reason et CPH Wolves, qui ne tiendront jamais vraiment la route ? Sans doute pas l'itinéraire le plus rapide vers le succès. Tenter de conquérir l'Allemagne avec une line-up Planetkey Dynamics qui laisse songeur ? Pas le détour le plus utile du monde. Rejoindre la prestigieuse organisation SK Gaming ? Une bien belle coquetterie, mais y obtenir comme meilleur résultat une troisième place aux Finales Fragbite Masters 5, c'est un peu décevant.


L'avantage de ne pas se qualifier pour les Majors, c'est qu'il est possible d'y travailler en tant qu'analyste.
Ici avec Hiko, qui fera lui aussi un sacré retour un an plus tard, à Katowice 2015 (photo : HLTV)

cadiaN errait beaucoup et malgré un bout de voyage effectué avec des compagnons prestigieux comme gla1ve, k0nfig, Magisk, tabseN ou même NiKo, le temps d'un tournoi IEM à la Gamescom à l'été 2015, il ne gagnait pas. Il était là, debout au milieu du subtop danois et européen, souriant en interview, toujours aussi passionné par le jeu, prêt à partir dans une nouvelle direction. Mais toutes se révélaient finalement encombrées, bouchées, sans issue. Et cadiaN revenait inlassablement à son point de départ.

Il va même devenir la risée de la communauté en 2016, lorsqu'il s'incline contre juliano au tournoi HTC 1vs1 organisé par la PGL. Largement moqué pour son niveau jugé faiblard, il semble destiné à devenir un meme pour le restant de sa carrière, lui le professionnel désormais connu pour avoir perdu en lan contre une joueuse dans un pur duel de skill.

La pente à remonter est immense mais cadiaN ne va toujours pas se décourager. Il va enfiler ses crampons et repartir de l'avant, entouré de manière improbable par un Suisse, Maniac, et un Estonien, HS, qui laisseront bientôt place à deux Bulgares, bubble et v1c7or. Deux autres Danois accompagnent le tout, glace et TENZKI, et tout ce beau monde part en balade. Rogue, une organisation américaine jusqu'alors basée sur Overwatch, se laisse tenter par un petit tour. Et cette fois, c'est cadiaN qui a la carte entre la main. Le lead-in-game lui revient.

Cette équipe ne va pas durer longtemps, un peu plus de six mois. Mais deux choses vont se passer : d'abord, cadiaN va obtenir son premier succès significatif sur CS:GO en l'emportant début 2017 aux Finales Global Challenge S23, battant Team-LDLC 2-0 lors du match pour le titre. Ensuite, il va suffisamment taper dans la rétine de Rogue pour que la structure le rappelle en septembre. Entre temps, Rogue version bulgaro-danoise a explosé et l'organisation a recruté quatre joueurs américains. Il lui en manque un. cadiaN est disponible. Le voilà parti pour son plus long périple, qui le mènera pendant près d'un an outre-Atlantique.


Premier gros chèque de vainqueur pour cadiaN

Ce ne sera pas une traversée tranquille. La scène américaine ne se laisse pas dompter si facilement. Mais après des mois de qualifications ratées et de changements de joueurs, une oasis tant désirée apparaît enfin : un Major. Rogue se sort du Minor américain pour décrocher sa place au FACEIT Major de septembre 2018. cadiaN ne peut retenir ses larmes après le match décisif : "C'est incroyable évidemment, ça a été très dur pour moi. Être si loin de chez moi, un joueur européen vivant aux Etats-Unis, loin de tous ceux que j'aime... c'est une grande victoire pour moi ! Ça montre que les choix qui ont été faits valaient le coup, finalement".

Ce Major n'est pas le bout de la route. Mais il représente une étape importante dans la carrière de cadiaN. En arrivant jusque-là, il a regagné une aura et s'est donné une seconde chance. Une poignée de jours après la fin du tournoi, un nouveau passage se dévoile : North veut le recruter. cadiaN rentre au pays. Le voilà officiellement leader de la deuxième meilleure équipe danoise.

Bien qu'attrayant et orné d'un nouveau trophée, celui de l'ICE Challenge 2019, ce chemin ne sera pas le plus confortable à parcourir. Il y a toujours de gros nuages noirs au-dessus de North depuis que l'organisation est apparue sur CS:GO début 2017, et c'est à se demander s'il y aura un jour un ciel bleu durable par là-bas. cadiaN ne restera aux commandes qu'un peu plus de deux trimestres avant d'être remercié. Suivra une pause forcée, obligations contractuelles obligent, avant un alignement des étoiles : Heroic perd son meneur blameF, recruté par Complexity, es3tag est prêt à lâcher l'AWP pour accueillir un nouveau joueur. Et cadiaN est là, comme toujours, disponible pour aller vadrouiller.

"Plus tu es inactif, moins tu es attractif. Les autres t'oublient dans ce jeu."

cadiaN peu après son recrutement par Heroic

Heroic n'hésite pas et finit deuxième de la DreamHack Rotterdam dix jours après ce recrutement. cadiaN part célébrer la victoire en demi-finale dans les bras du public, alors qu'il n'a même pas encore de maillot à son nom. C'est pour ces moments-là qu'il n'a jamais voulu s'arrêter sur le bord du chemin, qu'il n'a jamais voulu lâcher Counter-Strike, même quand la voie était sacrément glissante et longeait le précipice de l'oubli. Pour jouer devant des fans en furie et gueuler devant son écran après un clutch, pour continuer à faire valdinguer ses adversaires avec ses agressifs coups d'AWP.


La seule photo VaKarM de cadiaN, prise à l'ESWC 2014, où il avait d'ailleurs rentré un improbable 1vs5 contre NiP.
Elle représente plutôt bien l'exaltation du bonhomme.

Heroic enchaîne en gagnant la DreamHack Atlanta deux mois plus tard. Et puis donne entièrement les rênes à cadiaN quand Snappi est mis de côté, peu après le début du confinement. La période en ligne est idéale pour un cinq constitué majoritairement de jeunes joueurs, qui peuvent complètement ignorer la pression qui serait présente en lan. Pour autant, personne ne s'attendait à voir cette formation remporter l'ESL One Cologne. Pour y parvenir, Heroic a vaincu FaZe, fnatic, Complexity, G2 et Vitality. Le tout en ne perdant qu'une seule carte lors de ces rencontres. Excusez du peu.

Est-ce là le sommet de la carrière de cadiaN ? Est-ce que tout ce qu'il a vécu, toutes les décisions qu'il a prises, tous les détours qu'il a effectués, avaient pour but de le mener ici, seul dans sa chambre un dimanche soir, à célébrer à distance sa victoire à l'ESL One Cologne avec ses coéquipiers ? Espérons que non, qu'il y aura d'autres succès en lan, que cadiaN saura encore étonner et revenir d'entre les morts au besoin, que le voyage reprendra. Après tout, et aussi surprenant que cela puisse paraître, il n'a que 25 ans. À cet âge-là, Christophe Colomb n'avait même pas encore quitté l'Espagne.

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