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Le cas forZe au Major

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Le 24 février dernier, le Kremlin, par l'intermédiaire de son "président" Vladimir Poutine, annonçait le début d'une offensive en terre ukrainienne qui s'est rapidement avérée être une officieuse déclaration de guerre. Depuis, difficile de passer à côté, un véritable chaos règne sur cette région du globe. Il n'a pas fallu longtemps pour que le milieu du sport électronique en soit fortement impacté.

Les organisateurs de tournois ont pris, tour à tour, leurs distances avec le régime en place en Russie. BLAST, le 1er mars, a annoncé exclure toutes les équipes basées dans le pays tandis qu'ESL, deux jours plus tard, adoptait une position plus modérée en bannissant les écuries possédant des "liens apparents" avec le Kremlin. Par "apparents", ESL se réfère notamment aux sanctions internationales, citant particulièrement celles adressées par l'Union européenne.

Gambit Esports et Virtus.pro ont été les deux écuries russes ciblées en premier lieu. Leurs sociétés mères s'empilent comme des poupées russes (blague obligatoire) jusqu'à ce que la plus imposante soit liée au pouvoir d'une façon ou d'une autre.

Gambit a été rachetée en 2018 par le géant des télécommunications russe Mobile TeleSystems (MTS), lui-même propriété du conglomérat Sistema, contrôlé par l'oligarque Vladimir Evtouchenkov. Si l'Union européenne ou les États-Unis n'ont pas encore sanctionné ce dernier ou ses sociétés, ce n'est pas le cas du Royaume-Uni qui a placé son nom sur la liste des personnes sanctionnées le 13 avril dernier, le poussant à céder le contrôle du groupe dans la foulée. Il a également été rapporté qu'Evtouchenkov figurait parmi les treize oligarques convoqués par Poutine juste avant le déclenchement de l'invasion.


Vladimir Evtouchenkov, ex-propriétaire de MTS, société mère de Gambit Esports

Concernant Virtus.pro, le lien est beaucoup plus direct et simpliste. Elle est sous le joug de la société ESForce, elle-même propriété du groupe VK ayant été racheté, en 2021, par le Sogaz Insurance Group, conglomérat visé par des sanctions européennes depuis le 28 février dernier.

Globalement, Virtus.pro et Gambit ont été les deux seules structures ciblées par les sanctions des organisateurs de tournois CS:GO.

Le 19 avril dernier et du haut de ses trois victoires pour une seule défaite, l'écurie forZe réussissait toutefois l'exploit de se qualifier au prochain Major d'Anvers. Entre temps, PGL, organisateur des tournois de qualification à ce Major (RMR) et dudit Major, s'est également joint à BLAST et ESL en interdisant toute représentation d'une écurie liée au Kremlin lors du tournoi belge, sans toutefois préciser la nature des liens pris en compte. Économiques ? Si oui, lesquels ? Idéologiques ?

Le doute s'est donc initié autour de forZe dont le sponsor principal, Lukoil, n'est autre que le deuxième plus grand producteur de pétrole de Russie. Son fondateur et président, Vaguit Alekperov, septième fortune nationale, a également été placé, à l'instar de Vladimir Evtouchenkov cité dans le cas de Gambit, sur la liste des oligarques sanctionnés par le Royaume-Uni. Lui qui avait pourtant appelé publiquement à la fin de l'invasion russe a donc été contraint de renoncer à ses fonctions au sein du conseil d'administration du groupe pétrolier, le 21 avril dernier.


Vaguit Alekperov, ex-président de Lukoil, sponsor principal de forZe

Certes, forZe n'est pas, à proprement parler, la propriété du groupe Lukoil. Néanmoins, il est fort à parier qu'une grande, pour ne pas dire la majeure partie de son financement, provient de cette société dont le nom est adossé à celui de l'équipe depuis plusieurs mois maintenant. Cela rend-il la chose plus acceptable ? La démission du fondateur étant intervenue après la conclusion du RMR, il semble impossible que cette décision ait joué en faveur de l'organisation au moment de disputer la qualification au Major, pourtant organisée par PGL.

Il semblerait que les organisateurs – BLAST, ESL et PGL compris – n'ont eu qu'un temps très limité pour annoncer leurs décisions quant à la participation de structures basées en Russie dans leurs compétitions. Si le cas de Virtus.pro doit faire l'unanimité tant le lien avec une société proche du Kremlin est évident et objectivé, les cas de Gambit et forZe forcent à réfléchir.

Pourquoi est-il légitime d'exclure Gambit dont le propriétaire a été, pour le moment du moins, uniquement sanctionné par le Royaume-Uni (comprendre ici que l'Union européenne et les États-Unis ne sont pas intervenus), sans que forZe, écurie dont le CEO et co-actionnaire du sponsor majeur a été sanctionné de la même façon, c'est-à-dire uniquement par le Royaume-Uni, ne soit inquiété ? Le sponsoring, aussi important soit-il pour une organisation, n'est-il pas considéré comme une relation suffisamment épaisse pour que l'on s'y intéresse de la même manière qu'un lien de propriété ?


C'est pas nous qui le disons

Pourtant, la différence entre un partenaire et une maison-mère, c'est qu'il est a priori plus aisé de se séparer du premier que de la deuxième, surtout dans ce genre de cas. Alors pourquoi Lukoil trône-t-il toujours dans la liste des sponsors de forZe ? Pourquoi s'offusquerions-nous de voir l'US Air Force sponsoriser fut un temps Cloud9 et Complexity et aujourd'hui ESL, sans questionner un sponsor comme Lukoil, dont le co-actionnaire et président a été sanctionné par le Royaume-Uni pour ses liens avec un régime responsable de la mort de dizaines de milliers d'innocents EN CE MOMENT ?

En fin de communiqué, PGL promettait de la transparence quant à la situation. Il serait temps de s'y tenir, d'autant plus que la situation risque de durer, et de donner un peu plus de détails sur cette notion de "liens" entre des "individus" ou des "organisations" et le gouvernement russe, sans quoi nous ne sommes pas à l'abri d'un étrange deux poids, deux mesures.

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