Le 30 Juin dernier, NAVI en a surpris plus d’un en annonçant la signature d’un roster international, lequel intègre au poste de leader le finlandais Aleksib. Beaucoup de réactions assez négatives se sont fait entendre, le bilan récent du meneur historique de ENCE n’étant pas des plus radieux. La question du rapport avec s1mple et B1ad3 soulève elle aussi des interrogations. Depuis le bench de Boombl4, le pilotage de l’avion NAVI n’est pas des plus clairs d’un point de vue extérieur.

Maintenant, il convient de dépasser les apparences. Si NAVI a choisi Aleksib pour son premier leader étranger, ce n’est sans doute pas pour rien. On peut rétorquer à cela que les meneurs disponibles ne courent pas les rues, gla1ve ayant été rendu libre probablement trop tardivement. Analyser les récents projets d’Aleksib s'avère cependant bien plus complexe que de dire simplement qu’il ne s’agit que d’échecs cuisants.

1 - ENCE : une réussite tactique éphémère pour une immense surprise

C’est évidemment avec l’équipe finlandaise d'ENCE qu’Aleksib s’est fait connaître. Avec une finale de Major à Katowice 2019 pour une équipe que très peu voyaient passer le Legends Stage, Aleksib s’était crédité d'un énorme capital prestige. La suite d'ENCE, on la connaît. Le projet connaît quelques hauts impressionants mais ne concrétise pas sur le long terme : élimination en poule à Cologne et top 8 au major de Berlin, alors que la mise sur le banc d'Aleksib, constestable, est déjà officielle. allu, le sniper de la line-up et principal responsable du bench de son leader, avouera plus tard que cette décision était une erreur.

Au sein de l'équipe, il y avait un besoin de changement, mais à y repenser aujourd'hui, Aleksib était le mauvais joueur à bench. allu en interview auprès d'HLTV fin 2020

Malgré tout, c’est bien par Aleksib qu'ENCE, et par extension la Finlande, a pleinement été placée sur la carte de CS:GO. Sous son lead, l'équipe a réalisé de belles performances, le tout avec un CS très modernisé. En 2019, les formations tentaient encore de copier les enseignements d’Astralis de 2018, et ENCE a fait partie de ceux qui pouvaient tenir tête aux danois. Un haut fait particulier à noter, c'est ENCE qui a brisé à Madrid, en mai 2019, la série d'invincibilité de 37 maps d'Astralis sur Nuke.

Les BLAST Pro Series Madrid remportées par ENCE : l'apothéose d'Aleksib chez ENCE

2 - OG, un projet de contraste

Le rebondissement d’Aleksib après son benchchez ENCE est vite arrivé. OG souhaite se lancer sur la scène CS:GO via un roster international, avec le leader finlandais en figure de proue. Le premier cinq annonce une couleur difficile à saisir : NBK-, mantuu, ISSAA et valde. Des joueurs solides qu’aucun ne considèrerait comme mauvais, mais pour autant, ça semble léger pour aller chercher les plus hautes marches.

Le début de saison 2020 reflète parfaitement les attentes. Le roster peine à réellement percer mais intéresse néanmoins. Les BLAST Premier font figure de bonne augure avec deux victoires contre Evil Geniuses, qui valait encore quelque chose à l'époque. Suit un top 6 à la Pro League S11, en ligne, où OG accède au groupe final. Mais le Covid vient gâcher les plans d'OG. Un seul bootcamp au total, et l'équipe doit se débrouiller avec ça. De plus, la communication est rendue difficile par l'anglais qu'Aleksib est encore en train de perfectionner, et par la présence d'ISSAA, monstre de skill certain, mais que le meneur a besoin de micromanager en permanence pour qu'il ne s'écarte pas des plans de l'équipe. Pour ne pas arranger le tout, ISSAA avait de gros problèmes de ping (80 en match officiel) et n'était pas vraiment un onliner.

Parallèlement à ces soucis de communication, la cohésion est difficile à former. NBK-, prévu à la base en tant que co-lead, a du mal à pouvoir briguer ce rôle aux côtés d'un Aleksib qui laisse peu d'espace dans le vocal. La stagnation pointe alors le bout de son nez et OG ne confirmera jamais les signes positifs du début d'année. OG finit l'année sans titre malgré une deuxième place à Flashpoint 2, et connaîtra le même sort en 2021 malgré divers changements.

Aleksib n'a pas pu faire briller de mille feux OG, mais il a continué d'impressioner avec son gros cerveau

3 - G2, un autre coup d’éclat sans confirmation

La destination d'Aleksib après l'aventure OG est un autre roster international. Fini les joueurs prometteurs qu'il faut façonner, G2 est un cinq de stars dont l'objectif est le sommet. Katowice, première grosse échéance de l'année, est de bon augure : un top 2 avec une finale qui aurait clairement pu basculer en sa faveur. Mais rapidement, le roster montre des gros soucis de gouvernance : Aleksib, le duo NiKo/huNter et XTQZZZ au coaching constituent trois pôles qui travaillent mal ensemble.

15-19 / 27-31 / 14-16 contre FaZe, c'est ce qu'on appelle une défaite à regrets

Sur le serveur, la rigueur et la lenteur d'Aleksib ne fonctionnent pas avec le désir de liberté de NiKo. Le duo que forme ce dernier avec huNter est habitué à de grandes marges de manoeuvres sur les zones neutres, lesquelles ne sont pas compatibles avec la vision d'Aleksib. Et entre XTQZZZ et son leader, la sauce ne prend pas. On entendra parfois a posteriori l'ancien caster français critiquer le jeu d'Aleksib en stream. 

Six mois passent, et en l'absence de bons résultats, Aleksib est rapidement remercié. Il aura au final eu le même palmarès que nexa dans cette équipe : aucun grand trophée et des soucis de lead avec ses joueurs. Là où ENCE et OG étaient les projets d'Aleksib, G2 restait largement sous l'influence des cousins bosniaques et d'un coach très présent. Pour un leader aussi vindicatif, la combinaison semblait alors vouée à l'échec dès le début.

4 - NiP, une trop lente pente ascendante

Aleksib arrive chez NiP avec beaucoup moins de hype que ses précédents recrutements. Beaucoup se demandent pourquoi les ninjas le choisissent alors qu’il sort de six mois mitigés chez G2. Et on va retrouver chez NiP des soucis simillaires à G2 : Aleksib n'a pas la main sur le projet. Il débarque de plus dans une équipe instable qui cherche la bonne formule depuis longtemps. 

Malgré tout, Aleksib fait progresser le roster, lentement. L'intégration de Hhadtr1ck prend du temps mais aboutit à des résultats très encourageants (1,18 de rating pour le sniper ukrainien au Major de Paris, le meilleur de son équipe). Le joueur avec lequel les choses ont davantage coincé a été k0nfig. D'un profil proche de NiKo dans son désir de liberté, on sent dans son jeu une frustration de ne pas être totalement maître de ses actions. Le pic de cet échec est le match ultime du Legends Stage parisien contre Apeks. Alors que NiP mène 14-3 sur Ancient, deuxième map, l'équipe se fait remonter round par round en attaque malgré un monstrueux 34 kills de headtr1ck. k0nfig déclarera plus tard :

On n'a pas vraiment joué au jeu, on a fait trop de rounds préfaits On s'est outplay nous-mêmes et on a pas pu se faire confiance, pour au final ne faire confiance qu'au stratbook et pas aux joueurs. k0nfig en interview après l'élimination de NiP du Major

On aurait pu penser qu'après avoir été à deux doigts de renouer avec le top 8 en Major, NiP souhaiterait jouer la carte de la stabilité. Mais il n'en fût rien : les ninjas avaient beau avoir été sur une pente ascendante ces six premiers mois de Counter-Strike en 2023, celle-ci était trop lente. Aleksib n'a pas su confirmer assez rapidement le potentiel de son cinq pour garder sa place, et sans doute que l'élimination cruelle contre Apeks, pour laquelle il tient une large part de responsabilité, a dû sceller son destin.

5 - Maintenant, NAVI, est-ce que ça peut marcher ?

Après ce nouvel échec, il eût été facile d’enterrer Aleksib, mais c’est là que l’un des rosters moves les plus improbables des dernières années arrive : NAVI recrute Aleksib. Déjà, voir NAVI chercher à l’international n’était pas prévu, mais d’autant plus avec Aleksib. La première question est évidemment celle du calibre : est-ce que le Finlandais peut être du niveau attendu chez NAVI ? Peut-il également fonctionner avec un coach très puissant dans l’organisation, B1ad3, et un s1mple visiblement de nouveau très rude avec ses leads ? Le tout dans une équipe complètement nouvelle et à construire suite aux recrutements de iM et jL.

Oleksandr Kostyliev

s1mple

Valeriy Vakhovskiy

b1t

Aleksi Virolainen

Aleksib

Ivan Mihai

iM

Justinas Lekavicius

jL

s1mple est connu pour être exigeant avec ses leaders. Si Aleksib semble de fait avoir été choisi par défaut, en tant que seul leader expérimenté disponible sur le marché, le respect entre les deux hommes ne paraît pas établi d'avance. s1mple est aussi un joueur très autodidacte dans son jeu actuellement. Même s'il a déjà, par le passé, brillé dans des modèles très rigoureux, c'est à voir si il acceptera de revenir sur sa liberté pour satsifaire Aleksib.

Libre aussi, iM l'est. Véritable électron libre chez GamerLegion, il est typiquement le genre de joueurs qui ne marche pas avec des leaders comme Aleksib. Pour le Roumain, la transition de siuhy, leader très proche du style de karrigan qui laisse surtout parler le skill et des calls effectués en pleine action, vers Aleksib peut s'avérer difficile. Que dire de jL, un autre joueur très axé firepower, mais qui peut assumer le rôle d'entry si besoin. Il est peut-être l'élément le plus compatible avec Aleksib, même si Apeks lui laissait aussi beaucoup d'amplitude de jeu pour gérer ses entrys.

Point positif pour Aleksib, b1t, qui, contrairement à iM, représente un bon élément pour un jeu plus posé. Très polyvalent dans son rôle, c'est sur ce joueur qu'Aleksib peut se reposer pour développer son style. Également, B1ad3, coach qui a traditionellement la main ferme sur son équipe, a annoncé vouloir laisser un peu plus de liberté à ses ouailles. Aleksib semble donc posséder une partie des cartes en main pour la réussite du projet NAVI. Les grosses interrogations se cantonnent à sa relation avec s1mple et l'utilisation du firepower d'iM, qui ne veut sans doute pas être un k0nfig bis.